Le syndrome des menottes
L’occupation de l’université de Genève a vécu. Le ton se durcit partout en Suisse. La police du bout du lac est intervenue aux aurores pour embarquer une soixantaine de personnes. Formellement, il ne s’agit pas d’une évacuation; ces personnes ont été emmenées par la police pour être auditionnées, à la suite de la plainte pénale déposée par le rectorat pour violation de domicile.
Une subtilité qui explique que le Conseil d’Etat n’a pas eu son mot à dire, même si on peut regretter la retenue de la ministre socialiste chargée de la Police, la socialiste Carole-Anne Kast. La marge de manœuvre politique aurait sans doute gagné à être un tant soit peu exploitée.
Profitant de l’aubaine – l’interrogatoire des militant·es –, l’Uni a eu le temps de faire place nette – les banderoles ont été ôtées, les canapés débarrassés. Et de compter sur un filtrage à l’entrée du bâtiment pour éviter un retour de l’occupation.
Sémantique juridique mise à part, l’irruption dans ce lieu de formation de policier·ères qui emmènent manu militari menottes aux poignets des jeunes et la criminalisation des occupant·es reflètent un durcissement inquiétant des autorités face à un mouvement de solidarité, pacifique et non violent. Ces jeunes activistes pourraient écoper d’une ordonnance pénale qui sera inscrite à leur casier judiciaire. Cela peut peser quand on cherche un emploi. La moindre que l’on serait en droit d’attendre du rectorat serait maintenant un retrait de cette plainte pour éviter cet engrenage et cette stigmatisation.
Car, pour l’heure, la direction de l’alma mater n’a pas brillé par la pertinence de son discours. Endosser comme elle l’a fait les éléments de langage de l’Etat israélien sur le contenu d’une banderole plaidant pour une Palestine libre «du fleuve à la mer» n’est nullement en adéquation avec le contenu des discours que nous avons pu entendre durant ces jours d’occupation, placés sous le signe de la tolérance zéro de tout antisémitisme. Appeler au cessez-le-feu, à la paix et au respect des normes du droit international, où est le problème?
La neutralité académique invoquée par la direction de l’université a bon dos. Les collaborations de plusieurs institutions suisses avec des programmes israéliens doit être questionnée avec davantage de vigueur et de transparence que les belles promesses de ces derniers jours. A défaut, cela peut aussi représenter une forme de complicité avec les actions militaires en cours qui relèvent sinon d’un génocide, du moins d’un crime de guerre qui peut valoir à ses instigateur·rices d’être traduit·es devant la justice internationale.