Du mépris pour les petites communes
Bien que très éloigné des valeurs du parti de notre conseillère d’Etat responsable des Finances [Nathalie Fontanet, PLR], je m’étais surpris à avoir pour elle une certaine estime tant pour sa manière de gérer son département que pour ses prises de positions publiques pleines de bon sens et d’un certain humanisme. Elle me semblait au-dessus des luttes partisanes propres à Genève et prête à rechercher le bien commun et l’intérêt général avant les intérêts des membres de son électorat.
Malheureusement, ces dernières semaines et en particulier ce vendredi 3 mai, au terme de la plénière du Grand Conseil, j’ai dû me rendre à l’évidence que tel n’était plus le cas. En voulant proposer une baisse des impôts cantonaux et communaux d’environ 10% à la suite des comptes positifs mirifiques du canton en 2023, au profit supposé de la classe moyenne, Mme Fontanet a pris l’option en amont de refuser le dialogue avec l’Association des communes genevoises, qui elles souhaitaient à juste titre sortir de ce paquet fiscal les impôts revenant aux communes.
Comment peut-elle proposer une diminution des impôts communaux, environ 108 millions de francs, alors que les revenus de ceux-ci ne lui appartiennent pas, mais reviennent bien aux 45 communes du canton, que celles-ci soient riches ou à faible capacité financière? Plus grave encore, elle le fait sciemment, en sachant qu’en particulier 15 à 20 petites communes seront gravement pénalisées par cette baisse de ressources et peineront à boucler leur budget et à garantir les prestations habituelles à leur population. Il faut savoir que ces prestations coûtent de plus en plus cher pour assurer des politiques publiques de qualité et que, parallèlement, les transferts de charges du canton aux communes impactent d’autant plus les finances communales qui ne profitent généralement pas de rentrées fiscales subitement meilleures. Si vous ajoutez à cela la tendance récurrente d’une commune richissime de la rive gauche qui consiste à remettre en question les mécanismes de solidarité financière intercommunale, vous comprendrez que les petites communes, dont la mienne, ont du souci à se faire.
Dès lors, en privant ces petites communes dépendantes de rentrées fiscales stables et pérennes, la solution à trouver sera de choisir entre une hausse importante du centime additionnel communal ou en une limitation des prestations à la population, pas évidente en termes d’efficience dans un petit budget communal et avec des risques de fragilisation du tissu social. Où est le bénéfice pour la classe moyenne tant annoncé en termes de promesse électorale? En voulant absolument lier les impôts communaux à cette baisse des impôts cantonaux, il y a péril en la demeure pour les budgets de fonctionnement des petites communes, dans lesquelles se trouvent pourtant des électeurs et des électrices du même parti que Mme Fontanet.
Enfin, en refusant le dialogue avec l’Association de communes genevoises, en amont de ce vote fait dans l’urgence au Grand Conseil, je ressens un profond mépris d’une grande partie du Conseil d’Etat et du Grand Conseil à l’égard des magistrats communaux que nous sommes, qui cherchons au quotidien, avec des moyens limités, à favoriser le bien commun et l’intérêt général pour leurs communier·ères.
Alain Corthay est maire d’une petite commune, celle de Meinier.