Perte de mémoire
Il n’y a pas un jour qui passe sans que ce constat s’aggrave. Cette observation n’est pas liée à des cas médicaux pathologiques type Alzheimer, mais à des situations courantes dans le quotidien de la vie civile.
Explication: il n’est pratiquement plus possible, en se trouvant dans un quartier ou dans une commune, de rencontrer une personne susceptible de nous aider à la recherche d’une rue, d’une place, d’un lieu. La plupart du temps les réponses apportées sont du type: «Je ne suis pas d’ici», «Non, je ne vois pas», parfois «Ce nom me dit quelque chose». Les plus sensibles à notre égarement, les plus sociables, les plus altruistes, cherchent la réponse dans la Googlemap de leur smartphone, et à la lecture de la géolocalisation de la destination vous indique aimablement le chemin à suivre.
Quand ils ou elles ne vous disent pas, rassurés d’avoir trouvé, «Suivez-moi je vais dans la même direction». Cette application ou d’autres similaires font qu’elles créent un irréversible et inéluctable oreiller de paresse. De la sorte, nous avons consciemment amputé nos connaissances géographiques et d’orientation au profit d’un cerveau électronique de substitution.
Cet exemple peut se répéter lors de la recherche d’une destination sur des routes départementales, voir sur la situation géographique d’un pays, d’une île, d’une grande ville dans le vaste monde. Autrement dit, nous avons accepté de ne pas savoir, de ne plus savoir. Les applications spécialisées sont là et savent répondre à notre place. Il suffit aujourd’hui d’interpeller son smartphone ou son TomTom pour qu’il trouve la réponse que l’on cherche ou qu’il nous dicte le chemin à suivre pour aller d’un point A à un point B.
A quoi bon faire travailler sa mémoire pour connaître rues, ruelles, places, avenues, de sa ville ou d’une ville étrangère chérie puisque la prothèse qui ne nous quitte plus, qui colle à notre peau, sait tout mieux que nous, plus rapidement que nous. Elle est même capable de nous suggérer coins et recoins, lieux publics et salles de spectacles, boutiques qui sont les plus proches de nos envies, de nos goûts, de nos sensibilités. Nous n’avons plus d’autres choix que de nous confier à elle puisque nous avons définitivement perdu la partie de la mémoire. Quel gâchis!
Léon Meynet,
Chêne-Bougeries, (GE)