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Agriwashing et terres précaires

Carnets paysans

Les projets agricoles de petite surface semblent avoir le vent en poupe au sein des communes. Les exemples d’installations sur des terres communales ne manquent pas dans les centres urbains, revêtant le plus souvent la forme de projets collectifs en maraîchage. Cette dernière décennie, une diversité de projets agricoles sur terres communales ou appartenant à des institutions publiques sont ainsi venus s’ajouter à leurs homologues historiques, comme les Jardins de Cocagne dans le canton de Genève.

Cette surreprésentation de nouvelles structures maraîchères (par rapport à l’élevage et aux grandes cultures) s’explique par la possibilité de dégager une valeur ajoutée sur de très petites surfaces et par des coûts d’infrastructures initiales moins importants que pour d’autres cultures. Les projets en question sont le plus souvent l’initiative de personnes non issues du milieu agricole et dont l’installation n’est pas le produit d’une transmission intrafamiliale, encore trop souvent patrilinéaire.

Les motivations qui guident ces installations sont diverses. Les enjeux écologiques contemporains et la faible part d’auto-approvisionnement alimentaire suisse1>La part de consommation alimentaire de produits indigènes en pourcentage de calories consommées est de 49% (OFS, 2023). soulignent l’importance croissante des projets périurbains expérimentant des modèles agroalimentaires de proximité, qui doivent se faire une place en marge des évolutions promues par la politique agricole actuelle. Pourtant, si les volontés d’installation sont soutenues par certaines communes ou institutions publiques qui acceptent de louer ou prêter une part de leurs terres, la question de la pérennité des contrats de location se pose. Ces baux agricoles s’étendent généralement sur des durées moins longues que celles en usage dans le secteur – neuf ans au minimum pour une exploitation, selon l’article 7 de la loi fédérale sur le bail à ferme agricole (LBFA).

Un exemple récent illustre les risques encourus par ces petites structures agricoles diversifiées, lorsque les institutions qui leur louent les terres modifient leurs agendas politiques. L’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne a ainsi annoncé qu’elle ne renouvellerait pas le bail de six ans pour les bâtiments agricoles de la ferme de Bassenges, où un collectif s’était installé il y a quatre ans à la suite d’un appel à projet. Ce choix de bail court avait initialement été justifié, oralement, en tant que période d’essai destinée à être prolongée, sauf cas de dysfonctionnement majeur. La ferme de Bassenges subit aujourd’hui les conséquences d’un projet de transformation de ses bâtiments en centre de recherche de mathématiques. Or, l’activité agricole nécessite des bâtiments proches des terres pour l’élevage et la transformation. Après avoir visibilisé cette ferme comme une vitrine promouvant l’EPFL dans une position de soutien à une agriculture paysanne, diversifiée et collective, l’institution veut désormais résilier son engagement.

N’est-il pas surprenant que nos institutions universitaires, aussi engagées qu’elles prétendent l’être pour une transition écologique, se permettent de tourner le dos à des expérimentations et des savoirs paysans, incarnés et en constante évolution au contact du monde? Ce choix n’est malheureusement pas surprenant au regard de la politique de durabilité de l’EPFL, qui demeure centrée sur la croissance et les innovations techniques comme seules réponses aux enjeux de durabilité.

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* Doctorante en sciences de l’environnement sur les questions agricoles.

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mercredi 9 octobre 2019

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