Trop n’est pas assez?
Deux référendums viennent à peine d’être déposés au mois de janvier que les milieux immobiliers reviennent à la charge via deux initiatives parlementaires. Des textes déposés en leur temps par l’ex-conseiller national zurichois UDC Hans Egloff, président de l’Association des propriétaires fonciers. Et qui ont obtenu un préavis positif en commission des affaires juridiques du National. L’Asloca (Association suisse des locataires) a donné de la voix mercredi.
Alors que le peuple ne s’est pas encore prononcé sur la première attaque contre la protection des locataires, les initiatives Egloff vont plus loin encore. Plusieurs mécanismes sont attaqués. Actuellement, lorsqu’un loyer a été abusivement augmenté par rapport au bail précédent, il est possible de s’y référer et de revendiquer une baisse une fois installé dans le logement. Avec ces initiatives, il faudra prouver avoir été acculé à prendre ce logement. Bref, ce mécanisme de régulation sera annihilé.
Autre assouplissement à haut risque, le loyer de référence dans un quartier sera libéralisé: le bailleur ne devra justifier que de trois loyers plus chers dans le périmètre pour permettre un congé dit économique. Cela ouvrira la porte à tous les abus. On se souvient dans un passé pas si éloigné des tristement célèbres congés-ventes qui poussaient tant de seniors à la rue.
Cette nouvelle attaque s’inscrit dans un cadre plus large et bien organisé. Les proprios rapaces ne sont plus des régies ou des notables replets mais bien de gros investisseurs «institutionnels». Dont certaines caisses de pension privées, voire publiques, qui visent un rendement maximal pour servir des rentes ou gaver des investisseurs. Et qui perdent de vue le bien commun.
La baisse du rendement des actions et obligations pèse dans ce dossier. Avec la crise des subprimes, le monde de la finance, qui regardait d’un œil dédaigneux les rendements du capitalisme foncier (alors que les marchés financiers pouvaient rapporter des bénéfices à deux chiffres), a changé d’attitude face aux taux d’intérêt négatifs de la Banque nationale. Soudain, des rendements à 2% paraissent une bonne affaire.
Le problème étant que ces nouveaux acteurs de la finance mondialisée ont emmené dans leurs bagages leur habitus de flibustiers. On a vu les dégâts que cela peut provoquer au niveau de l’emploi; on se doute que l’impact est dévastateur dans ce bien de première nécessité qu’est le logement. L’an passé, selon les calculs de l’Asloca, les locataires ont payé 10,6 milliards de francs de trop! De trop? Tout dépend de l’angle sous lequel on se place. Pour certains, trop n’est pas assez.