Genève

Philippe Joye s’en est allé

L’ancien conseiller d’Etat avait siégé à l’exécutif genevois sous les couleurs du Parti démocrate-chrétien (PDC, aujourd’hui le Centre) durant la législature monocolore 1993-1997. Hommage.
Philippe Joye s'en est allé
Philippe Joye en 1994. KEYSTONE
Carnet noir

Il a sans doute rejoint le cimetière des éléphants. Celui qui signait Babar sur ses courriers à l’aide d’un tampon, l’ancien conseiller d’Etat Philippe Joye, est décédé, comme l’a communiqué sa famille sur les réseaux sociaux.

Un message à l’image de l’homme, un brin fantasque, mais diablement attachant. Philippe Joye a siégé à l’exécutif genevois sous les couleurs du Parti démocrate-chrétien (PDC, aujourd’hui le Centre) durant la législature monocolore 1993-1997. En cela il fit partie d’une expérience gouvernementale très droitière, un test d’une démocratie d’alternance fort éloignée de la concordance suisse.

Un fiasco politique dont il paya aussi le prix pour avoir incarné les excès de cette opération voulue par les milieux économiques. Il était de surcroît particulièrement exposé en tant que chef du Département des travaux publics. Notamment via son surinvestissement sur le projet à l’époque emblématique, voire identitaire pour les partis de l’Entente bourgeoise, de la traversée de la rade qu’il a habité corps et âme, mais qui fut refusé par le peuple lors d’une votation extrêmement polarisée le 9 juin 1996. Il valida aussi la démolition nuitamment d’un immeuble au goulet de Chêne-Bougeries. Un coup de force pas assumé ensuite et qui paralysa son département.

Avant cela il fut un député et président du PDC talentueux, original, imaginatif, créatif. A l’image de son travail d’architecte. Sa réalisation la plus emblématique étant le bâtiment de l’UBS aux Acacias. Mais pour la petite histoire, on relèvera aussi qu’il réalisera le petit bâtiment administratif des TPG à la pointe de la Jonction… présentement occupé par Le Courrier.

Sa créativité s’exprimait aussi via un vrai talent d’écriture dans le journal de son parti. Les bonbons Sugus furent rachetés par une entreprise française; il en fit une métaphore nostalgique de la fin d’une certaine suissitude et d’une nécessaire mais douloureuse ouverture sur l’Europe. A l’aise socialement, on pouvait autant le retrouver dans une kermesse de quartier qu’à l’Usine –lui, le féru de musique capable de parler savamment de Mozart– dans un concert hard-core d’un fiston. Ce dernier lui rend d’ailleurs un hommage émouvant sur sa page Facebook.

Sa personnalité attachante était aussi liée à une histoire personnelle incroyable sur laquelle il avait ensuite témoigné sur le petit écran dans l’émission de Mireille Dumas Bas les masques. Son frère jumeau – Charles Joye – a été échangé à sa naissance à Fribourg avec un autre enfant. Jusqu’à l’age de 6 ans, il a grandi dans une autre famille alors que Philippe Joye pensait être le frère d’un faux jumeau. C’est la ressemblance entre Philippe et son frère biologique Charles qui fit éclater au grand jour la terrible méprise. La justice fribourgeoise décida d’un échange des enfants! On imagine le traumatisme.

En 1997, Philippe Joye ne se représenta pas à l’exécutif genevois. Un bilan critiqué au Conseil d’Etat, une vie personnelle compliquée pour ne pas dire exubérante et un lâchage politique hâtèrent sa décision. Il peina à rebondir professionnellement ensuite. On lui doit encore la réalisation de l’Epicentre à Collonge-Bellerive.

De graves problèmes de santé firent le reste; il fit certes un retour en politique sur la liste du Mouvement citoyens genevois qui instrumentalisa quelque peu ce ralliement. Mais le cœur n’y était plus, la créativité était morte et l’énergie épuisée. Il est parti sur la pointe des pieds, bien loin des excès exubérants qui firent une partie de son charme.

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