Édito

Les oublié·es du Conseil d’Etat

Les oublié·es du conseil d’Etat
Le Conseil d'Etat genevois présente les comptes 2023 du canton, lors d'une conférence de presse ce jeudi 21 mars. KEYSTONE
Finances cantonales

Presque deux milliards de francs! C’est la somme colossale qui sépare les prévisions budgétaires 2023 du canton de Genève des comptes tels que présentés jeudi. Avec un bénéfice de 1,4 milliard, après des chiffres noirs également les années précédentes, difficile pour le gouvernement de rester les bras croisés et de se contenter de baisser la dette ou de garnir sa réserve conjoncturelle qui déborde déjà. Le Conseil d’Etat, comme il s’y était engagé, envisage donc de baisser les impôts, en particulier ceux de la classe moyenne, et d’offrir la gratuité des transports publics aux moins de 25 ans. Des mesures qui coûteront plus de 400 millions pour la première et 35 pour la deuxième.

La baisse d’impôt, qui reprend un projet de loi de la droite en en amplifiant les effets pour la classe moyenne, pourrait être louable si elle ne laissait pas pour compte de larges pans de la population. Quid des personnes qui ne paient pas de taxes, soit 36% de la population?

Contrairement à l’image qui en est véhiculée, ces gens – retraité·es, familles monoparentales, chômeur·euses ou bénéficiaires de l’aide sociale – participent à la prospérité du canton, économiquement ou socialement. Ce projet ne leur permettra d’entrevoir aucune amélioration de leur quotidien. Et pourtant, avec 1,4 milliard, un coup de pouce sous une forme ou une autre aurait été parfaitement envisageable pour l’intégralité de ces personnes. Si les catégories de contribuables les moins privilégié·es verront bien leurs impôts diminuer, la baisse sera proportionnellement moindre que pour les ménages plus aisés.

En présentant son projet, le Conseil d’Etat dévoile aussi une vision très extensive d’une classe moyenne qui s’échelonne entre 34’000 et 410’000 francs de revenus imposables par année… Oui, à près d’un demi million francs de revenus annuels pour un couple marié, on fait encore partie de la classe moyenne pour le Conseil d’Etat genevois.

Comparée à la définition de la classe moyenne par l’Office fédéral de la statistique, la vision genevoise est très élastique, surtout vers le haut. Ces revenus élevés n’ont pas besoin d’un cadeau fiscal. Par contre, les sommes ainsi perdues pour la collectivité seraient nécessaires pour allouer davantage de prestations, pourvoir des postes supplémentaires, notamment dans l’enseignement primaire, mais aussi engager des fonctionnaires pour mener au pas de charge l’urgente transition énergétique ou se garder une capacité d’investissement importante pour l’avenir.

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