La destruction de Gaza
Au milieu de l’horreur,
Il est un moment
Où me vient l’envie
De m’extraire de la collectivité.
A cet instant précis, une voix s’élève en moi:
Comment renier ton origine
Quand les larmes sur la joue de ton garçon
Te remémorent la destruction
Du Temple?
Quand la destruction de Gaza commence,
Je me retrouve à Guernica.
Cela n’a rien de métaphysique,
Ni de figuratif,
Non, j’y suis vraiment,
Comme un touriste,
Jeune papa avec son fils et sa mère,
Dans une vieille caravane
Une maison voyageuse plus terrestre
Que tous les pays du monde
En ce moment.
Au téléphone
Papa me rappelle
Le vers d’Abba Kovner :
«Guernica sur chaque colline».
Ce vers, il l’a écrit
En mille neuf cent quarante-neuf
En réaction à la première Nakba.
Nous continuons notre route
— jusqu’au fin fond de l’Ouest
— Finistère
La fin des terres.
Dans la caravane close
Je m’adresse au mur oriental en ces mots:
«Ecoute Israël, c’est en ton nom
Et en mon nom qu’on commet cela.»
Traduit du yiddish par Arnaud Bikard.
Tal Hever-Chybowski est un écrivain et traducteur en yiddish et en hébreu, et rédacteur en chef de Mikan Ve’eylakh: Journal pour l’hébreu diasporique (Berlin & Paris).
Arnaud Bikard est maître de conférences à l’INALCO, à Paris, et auteur de l’ouvrage La Renaissance italienne dans les rues du Ghetto (Brepols, mars 2020).