Un vote décisif
Sans lésiner sur les moyens financiers, le Conseil fédéral, les partis de droite et les milieux patronaux martèlent leurs arguments visant à faire capoter la treizième rente AVS en votation.
Selon Christoph Mäder, président d’economiesuisse, l’initiative mettrait en danger les finances de l’AVS. Le représentant patronal vante au contraire la solution des prestations complémentaires.
Dans la même veine, la conseillère fédérale socialiste Elisabeth Baume-Schneider promet des «mesures ciblées» visant à améliorer le quotidien des retraité·es les plus vulnérables.
Leur discours est doublement trompeur. D’une part, ces opposant·es à la treizième rente ‘oublient’ de mentionner un aspect de l’équation. La majorité de droite qui contrôle la Berne fédérale n’a aucune intention de développer le filet social.
Au contraire. «L’heure est au rétablissement des équilibres financiers et aux décisions parfois douloureuses», résume Le Temps à propos d’une opinion de Karin Keller-Sutter publiée dans ses pages le 13 février.
La conseillère fédérale (PLR) chargée des Finances aligne d’ailleurs les mesures d’économies – excepté quand il s’agit de sauver une grande banque.
A Berne, le cap fixé est celui d’une nouvelle vague d’austérité. En cas de non le 3 mars, aucun cadeau ne sera fait aux retraité·es pauvres.
Les «problèmes» financiers invoqués par Christoph Mäder et Elisabeth Baume-Schneider ne tiennent pas non plus la route. D’une part, parce que l’AVS a fait preuve d’une solidité à toute épreuve depuis son introduction, en 1948.
Ensuite, parce que la Suisse croule sous les richesses – mal redistribuées. Selon les données les plus récentes de l’Administration fédérale des contributions, en 2019, 0,35% des contribuables déclarant une fortune supérieure à 10 millions de francs détenaient un patrimoine supérieur à 737 milliards de francs. Si la situation de l’AVS est si dramatique, pourquoi ne pas proposer une légère contribution de solidarité sur ce patrimoine faramineux dans le but de la renflouer?
Le vrai enjeu de la votation sur la treizième rente est ailleurs. Le renforcement de l’AVS permettrait d’abord d’améliorer le quotidien toujours plus précaire de centaines de milliers de retraité·es.
Ensuite, il ouvrirait la possibilité d’un virage historique en matière de politique sociale – axé sur le renforcement du premier pilier, redistributif et solidaire, du système de retraites. Pour les forces progressistes, un oui le 3 mars représenterait ainsi une victoire historique.
Pour la droite en revanche, ce résultat marquerait une défaite cinglante, mettant un cran d’arrêt à ses velléités de démanteler la seule véritable assurance sociale que compte la Suisse. Autant de raisons de mener bataille jusqu’au bout en faveur de la treizième rente.