Humaniser l’asile
La prise d’otages dans un train à Essert-sous-Champvent (VD) jeudi soir a choqué. Les douze personnes concernées ont vécu quatre heures de stress extrême, pendant que la police négociait avec l’assaillant avant de l’abattre. Par la suite, on apprenait que l’homme était un requérant d’asile iranien, qui avait une santé mentale fragile avec un risque suicidaire avéré.
Selon l’enquête de la RTS, il aurait subi des maltraitances durant son long parcours migratoire. Il aurait été hospitalisé pour des épisodes de décompensation psychique. La police indique que ce sont ses conditions de requérant d’asile et sa volonté d’avoir des contacts avec une collaboratrice d’un centre d’accueil qui l’auraient poussé à commettre cette prise d’otages.
La détresse psychique des personnes qui demandent une protection en Suisse est loin d’être un phénomène isolé. La faute à un système déshumanisant, plus attaché à effectuer des renvois Dublin qu’à offrir une véritable politique d’accueil. Plusieurs drames l’ont douloureusement rappelé. A Genève, quatre requérants – trois jeunes et un trentenaire – se sont suicidés en quatre ans. Chaque fois, les milieux de l’asile ont tiré la sonnette d’alarme et dénoncé des failles institutionnelles. Après le drame d’Essert-sous-Champvent, le parti de gauche radicale Solidarités Ecologie a dénoncé des conditions d’admission et des processus d’asile «brutaux et déshumanisants».
Ces affaires médiatisées ne sont que la pointe de l’iceberg et cachent quantité de souffrances invisibles. Les troubles mentaux sont bien plus fréquents chez les réfugié·es que parmi la population d’accueil, selon l’OMS. Une recherche des universités de Genève et de Neuchâtel montrait en 2017 que les conditions d’accueil difficiles réservées aux requérant·es d’asile aggravent, voire provoquent, des troubles psychiques. Les durcissements successifs de la politique d’asile ont un impact direct sur la santé mentale. L’affaire de la prise d’otages montre que l’accueil au rabais, l’isolement des requérant·es d’asile et leur déshumanisation progressive peut avoir un coût très élevé pour la société, par les drames qui se produisent.
Il n’est plus possible de fermer les yeux alors que des vies sont en jeu. Le système d’asile doit être rendu plus humain. Cela passe notamment par des conditions de logement adaptées, un accompagnement social adéquat, un suivi psychique de qualité et la fin des renvois des personnes vulnérables.
Il est essentiel également qu’une instruction sérieuse fasse la lumière sur les circonstances de la mort de l’assaillant, abattu par un policier. L’acte de tuer était-il proportionné? Gageons que la société civile, ébranlée ces dernières années par plusieurs décès entre les mains de la police vaudoise, suivra de près l’enquête annoncée par le Ministère public.