Édito

Badinter, vie et luttes

Badinter, vie et luttes
KEYSTONE
Carnet noir

Dans la mort, il aura réussi à mettre d’accord la quasi-totalité du spectre politique institutionnel français. C’est dire l’aura de Robert Badinter, ancien ministre de la Justice de François Mitterrand, décédé la semaine passée à l’âge de 95 ans et dont le nom est aujourd’hui indissociable de l’abolition de la peine de mort dans l’Hexagone.

Parmi les hommages rendus, ceux du Rassemblement national (RN) demeurent toutefois plus laconiques que les autres. Pas étonnant. Jordan Bardella, son président, déclarait en avril dernier que l’échelle des peines s’était «effondrée depuis la suppression de la peine de mort».

En 2022, Marine Le Pen laissait quant à elle entrevoir la possibilité d’un référendum pour réinstaurer la peine capitale, avant de rétropédaler, sans doute dissuadée par la perspective du naufrage. En Suisse, un comité d’initiative proche de l’UDC avait tenté le coup en 2010, mais l’initiative n’avait pas récolté le nombre de signatures nécessaire.

Il n’est toutefois pas impossible que le sujet soit un jour remis sur la table, car les acquis sociaux ne sont jamais que des conquis sociaux, et demandent à être sans cesse défendus.

Comme ceux des personnes homosexuelles, pour qui l’ancien Garde des sceaux s’est aussi battu en abrogeant un article du Code pénal réprimant les relations homosexuelles avec les mineur·es de plus de 15 ans.

Une vieille loi instaurée par Vichy, que ­regrettent sans doute encore aujourd’hui les nostalgiques du régime dans les rangs du RN. Et c’est peu dire qu’ils et elles sont nombreux·ses, en attestent le révisionnisme et l’antisémitisme dont est toujours empreinte l’idéologie lepéniste.

Un terrain sur lequel Robert Badinter s’est là encore toujours démené. Fils de parents juifs émigrés en France, d’un père déporté dans un camp de la mort pendant la Seconde Guerre mondiale, il avait lui-même vécu les atrocités de la Shoah.

Un traumatisme sans doute ravivé lors de l’attaque sanglante du Hamas sur Israël le 7 octobre dernier: menace existentielle contre «cette terre dont les écritures disent qu’elle fut promise [au peuple juif]», ainsi qu’il la décrivait dans les colonnes du Monde en 2001.

Mais s’il était un fervent défenseur de l’Etat hébreu, l’ancien ministre a toujours aussi défendu, hors des tribunaux, le droit du peuple palestinien à «une vie paisible dans un Etat indépendant».

De là à plaider pour un Etat binational laïc, Robert Badinter n’a toutefois jamais franchi le pas. Pourtant, sur le long terme, c’est bien la voie qui semble la plus à même d’apporter la paix et la dignité des peuples, comme les a tant invoquées notre homme de son vivant.

Édito Louis Viladent Carnet noir

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