Édito

Perte de repères

Perte de repères
KEYSTONE
Gaza

Une frilosité qui dépasse l’entendement. Mardi, quatre enfants gazaoui·es gravement blessé·es ont enfin pu venir en Suisse pour recevoir des soins adaptés à leur état. Visiblement, cette venue ne s’est pas faite toute seule. Il a fallu parlementer, donner des garanties, en dépit de l’urgence de la situation. De fait, plusieurs autres enfants initialement prévus n’étaient pas du voyage. Et pour cause: ils sont morts.

Atterrant. L’urgence est de porter secours à ces corps meurtris. Pas de veiller à ce qu’ils et elles repartent une fois soigné·es. D’ailleurs, vers quelle destination? La priorité est-elle vraiment d’exiger un retour sous les bombes? Cet attentisme est illustrateur d’une perte de repères politiques et moraux.

Une polémique – attisée par le gouvernement israélien – a éclaté après l’accusation que douze employés de l’UNRWA, l’organisme de l’ONU en charge du secours aux Palestinien·nes, pourraient être impliqués dans la sanglante attaque du 7 octobre. On ne sait pas grand-chose des faits; ont-ils véritablement participé à ce déchaînement de violence, étaient-ils au courant et ont-ils fermés les yeux, ont-ils été imprudents dans un tweet…?

Il n’en a pas fallu plus pour que plusieurs pays suspendent leur aide à cet organisme dont dépend la survie des Palestinien·es. Résultat: à la fin de ce mois, l’UNRWA mettra la clé sous la porte. C’est ce qu’elle a annoncé dans un communiqué diffusé ce jeudi. Des millions de personnes – l’action de cet organisme onusien se déploie dans toute la région, pas seulement dans la bande de Gaza – vont être abandonnées à elles-mêmes. Pour les Gazaoui·es, c’est la famine et l’effondrement sanitaire total qui sont annoncés, alors que la barre des 27’000 mort·es a été franchie jeudi.

Cet aveuglement des pays contributeurs face à une souffrance de toute une population est une négation de la dignité humaine. Il contrevient à des règles fondamentales du droit et de la démocratie. Notamment celles qui proscrivent les punitions collectives. Si ces douze personnes ont effectivement participé au carnage, elles doivent être poursuivies. Ce n’est pas aux civils d’en payer le prix du sang.

Le déluge de feu qui s’est abattu sur cette région procède de ce relativisme par rapport aux règles internationales. Cibler des hôpitaux est une violation des Conventions de Genève. Cette négation du droit, fût-il celui de la guerre, ne rencontre que peu de réactions dans les chancelleries occidentales. Complaisance équivaut à complicité. L’histoire jugera sévèrement cet attentisme cynique.

Ce vendredi à Lausanne, samedi à Genève, des marches vont une nouvelle fois faire pression pour un cessez-le-feu1>Vendredi 2 février à Lausanne, 18h, départ place de la Riponne, samedi 3 février à Genève, 14h30, devant le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, Palais Wilson; 16h. Place des Nations. Une exigence élémentaire.

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