La rue face à l’extrême droite
Dimanche en France, environ cent mille personnes sont descendues dans la rue pour dénoncer la loi «asile immigration». Elles ont exigé la non-promulgation du texte adopté le 19 décembre à l’Assemblée nationale.
Depuis son adoption, le texte suscite une large fronde. Celle-ci réunit syndicats, partis de gauche, organisations antiracistes, milieux culturels et associatifs.
Cette résistance est salutaire. Comme le soulignent les 201 signataires de l’appel à manifester ce dimanche paru dans Mediapart et L’Humanité, la loi «asile immigration» représente en effet un «tournant dangereux». Elle ne prévoit plus la régularisation automatique des sans-papiers travaillant dans les métiers dits «en tension», mais étend la déchéance de nationalité, remet en cause le droit du sol pour les enfants nés en France et facilite les expulsions. Elle instaure aussi des quotas migratoires, limite le regroupement familial et restreint le droit d’asile, tout en multipliant les entraves au séjour, notamment pour les étrangers malades. Finalement, le texte introduit un délai de carence introduisant une forme de «préférence nationale» pour l’accès aux prestations sociales.
En somme, il s’agit de la mise en place de revendications clés du Rassemblement national. Le gouvernement Macron souffle ainsi dans les voiles d’une mouvance européenne d’extrême droite qui élabore déjà des plans visant à déporter des millions d’immigré·es – comme l’a révélé le compte-rendu de la réunion menée par des membres de l’AfD à Postdam, le 25 novembre dernier, en présence de deux désormais ex-membres de la CDU.
Dans ce contexte, la mobilisation française du 21 janvier – tout comme les centaines de milliers de personnes mobilisées en Allemagne contre l’AfD ce week-end – montre que de larges secteurs de la population sont disposés à lutter contre une politique migratoire anti-salarié·es et raciste. Ces manifestant·es nous rappellent que c’est en affrontant l’extrême droite de manière déterminée et unitaire que les forces progressistes pourront contrecarrer sa montée – et éviter ainsi les immenses souffrances sociales qu’entraînerait l’application de sa politique.
L’écho du 21 janvier pourrait aussi résonner en Suisse. Sur plusieurs aspects, la politique migratoire helvétique est en effet plus restrictive que la loi contestée aujourd’hui en France. Pourtant, les voix qui la contestent sur le fond sont rares, y compris au sein de la gauche et des syndicats. Cette mollesse laisse le champ libre au premier parti du pays, l’UDC, dont la dernière campagne pour les fédérales a joué sur tous les codes de l’extrême droite. Il est temps de nous inspirer de nos ami·es français·es.