Mort par faute à pas de chance
«Une chaîne de malheureux concours de circonstances.» C’est ainsi que le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne conclut au classement d’une procédure qui aurait pu déterminer les responsabilités ayant conduit, le 24 octobre 2017, à la mort de Lamin Fatty dans une cellule de la Blécherette.
Pendant une minute et onze secondes, le jeune Gambien convulse au sol, pris d’une crise d’épilepsie qui lui sera fatale, mais que ne repère pas l’agent de sécurité sur les vidéos de surveillance des cellules. Une cellule dans laquelle le jeune homme n’avait rien à faire, car ce drame s’est joué d’abord sur une première identification erronée, effectuée par des gardes-frontière l’ayant confondu avec une personne en situation de séjour irrégulière. Puis sur une impossibilité de prendre son traitement anti-épileptique, alors même qu’il est pris en charge par des médecins du CHUV, qui consultent son dossier et connaissent ses antécédents, mais n’en avertissent d’aucune manière les agents de la police cantonale.
Une série de dysfonctionnements qui, pris indépendamment, ne relèvent pas d’une faute pénale – c’est du moins ce qu’a arrêté le Ministère public, qui fait désormais face à un recours. Mais que dit cet enchaînement d’un système institutionnel où une personne est trop simplement réduite à son identité de migrant·e? Un niveau de français et des séquelles qui rendent difficiles la communication, mais aussi des signaux alarmants sur son état de santé, rien n’engendre de réaction. Tout au plus estimera-t-on, durant le temps qu’il passe au sol, qu’il n’était pas étonnant de voir un détenu migrant dormir par terre.
Si l’on peut regretter qu’il n’y ait pas eu, pour l’instant du moins, de tenue d’un procès public, on déplore d’autant plus le manque de réactions politiques à ce drame. A tous les niveaux, du contrôle d’identité à la prise en charge médicale puis policière, les procédures ont-elles seulement évolué pour s’assurer qu’une telle bévue ne soit plus jamais possible? Des élu·es de la gauche de la gauche avaient demandé, une semaine après la mort du jeune Gambien, que les processus successifs soient éclaircis.
Cette affaire n’est pas sans rappeler les tristes lendemains de l’incendie qui avait, à Genève, touché le foyer des Tattes. Là aussi, une suite d’erreurs avait conduit à un drame que l’on n’imaginerait possible dans aucune autre circonstance qu’un foyer pour réfugié·es. Au nom du devoir de protection et d’une nécessaire humanité, il faut tout faire pour qu’il n’y ait plus de tragédie aussi évitable que ces morts insupportables.