Empathie et justice vont de pair
«Je pensais que nous étions de gauche parce que nous voulions un monde sans guerre, sans torture, sans massacre de familles et d’enfants dans leurs lits», écrit l’auteur étasunien Joshua Leifer, dans un billet publié sur X. Il raconte sa stupeur, en constatant que certaines personnalités ou organisations progressistes semblent tolérer «les actes indescriptibles» commis le 7 octobre par le Hamas, actes «qui violent les éléments les plus fondamentaux de la vie humaine» et ravivent la mémoire des pogroms et des persécutions vécues par les juif.ves. Pour un certain nombre d’associations actives dans la défense du peuple palestinien, condamner les actes du Hamas a effectivement été difficile, voire impossible. On comprend dès lors le désarroi de nombreuses personnes juives, dont celles que nous avons interrogées, face à ce qui est perçu comme de l’insensibilité, voire une approbation de ces crimes de guerre.
En cause, des décennies d’humiliations et d’exactions commises par Israël à l’égard de la population palestinienne, que la communauté internationale occidentale non seulement n’a pas condamnées, mais a soutenues. Cette oppression interminable semble avoir fini par endurcir face aux souffrances des civils israéliens. Un constat amer, car au cœur des mobilisations pour la justice, on trouve la conscience d’une humanité partagée. C’est cette conscience qui permet d’identifier et donc de refuser les oppressions. De débusquer, aussi, la rhétorique de «l’autre» qui fonde toutes les logiques d’apartheid ou d’exclusion.
Pour sortir de cette impasse, la nature de la domination coloniale exercée par Israël doit être reconnue. De plus en plus de voix juives, à qui nous donnons aussi la parole, sont de cet avis, à l’exemple de Pierre Stambul, porte-parole de l’Union juive française pour la paix: «Nier que la Palestine est victime depuis des décennies de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, c’est du négationnisme. Dans cette guerre coloniale, il y a un occupant et un occupé. Les Israéliens sont les citoyens d’un Etat colonial».
Une fois de plus – après les attaques du 7 octobre et alors que des dizaines de milliers de Gazaoui·es sont en danger imminent de mort aujourd’hui –, il faut aussi réaffirmer, avec l’écrivain libanais Amin Maalouf, que la fin ne justifie pas les moyens: «Ce sont les moyens qui justifient la fin, quand on poursuit une cause par des moyens honorables la cause que l’on poursuit devient honorable, quand on poursuit une cause par des moyens indignes la cause perd sa légitimité.»