Édito

Dissoudre le réel

Dissoudre le réel
La dissolution du mouvement écologiste avait été prononcée au mois de juin par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. KEYSTONE
France

Le Conseil d’Etat français, la plus haute juridiction de l’ordre administratif, a suspendu vendredi la dissolution du mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre, prononcée au mois de juin par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Pour le Conseil d’Etat, il existe «un doute sérieux quant à la qualification de provocation à des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens retenue par le décret de dissolution». De quoi flanquer un sérieux coup au gouvernement d’Emmanuel Macron, qui en est à sa 34ème dissolution depuis son investiture en 2017.

Promulguée en 1936 pour assurer la sécurité de la République contre des mouvements armés, cette loi dite contre le «séparatisme» a acquis, au fil des gouvernements de la Vème république, la réputation de servir de bâillon contre diverses formes d’organisations politiques. En mai 1968, pas moins d’une dizaine de groupes communistes jugés trop agitateurs se sont ainsi vu dissoudre sous l’autorité du général De Gaulle.

Mais cette arme administrative ne sert pas qu’à porter des coups à gauche. Il y a une semaine encore, Gérald Darmanin tirait la prise du mouvement catholique intégriste Civitas, connu pour ses positions ultraconservatrices et, surtout, antisémites. En 2021, le groupe d’extrême droite Génération identitaire s’était vu juguler de la sorte.

Autant de mouvements qui, tout comme la gauche radicale, ne se cachent pas de rejeter fermement le républicanisme ultralibéral comme modèle politique. Ceci étant dit, il est intenable de les renvoyer dos à dos, car tous les extrêmes ne se valent pas. Notamment parce que si la colère à l’égard du macronisme se traduit d’un côté par la volonté de restreindre le champ démocratique, elle cherche, au contraire, à l’élargir de l’autre. Loin d’aspirer à la barbarie, les Soulèvements de la Terre prônent plutôt un pouvoir accru des citoyen·nes sur les ressources et leurs usages. Sur ce point, le Conseil d’Etat a su faire preuve de discernement face à l’autoritarisme antidémocratique de Gérald Darmanin.

Il est aisé de comprendre qu’Emmanuel Macron, dont le projet politique ne dédaigne pas les grosses ficelles populistes, cherche désespérément à piétiner de tels germes de démocratie par en bas. Malheureusement pour lui, les graines des son dépassement ont été plantées un peu partout et ne tarderont pas à fleurir.

Opinions Édito Louis Viladent France

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