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De Louise Michel à Justine Jérémie

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Comme toutes les grandes villes, meurtrie par les bagnoles, Paris étouffe de pollution, de bruit, de travaux insensés et d’afflux de touristes en troupeaux. La croissance indéfinie en milieu limité signifie l’asphyxie, garantie à terme, et le terme se profile, accéléré par le réchauffement et les politiques de profits irresponsables de gouvernant·es débiles. Pourtant, dans cet enfer techno-productiviste, quadrillé d’embouteillages, secoué de manifestations réprimées par une police équipée pour tuer, de petits espaces préservés, aux moins à certaines heures, rappellent, à qui l’a connu, le charme de temps paisibles.

Parmi eux la Butte-aux-Cailles, du nom d’anciens propriétaires des terrains, pas de celui de volatiles campestres. La butte culmine à une altitude modeste, au-dessus de l’ex-vallée de la Bièvre, rivière jadis peuplée de castors, comme son nom l’indique, mais aujourd’hui égout souterrain. Rescapé des bétonnages, le haut de la Butte est un village endormi le matin, riche en bistrots et terrasses débordant le soir et la nuit. Ce fût un haut lieu de la résistance de l’éphémère Commune de Paris contre un pouvoir déjà brutal et criminel. On y cultive le souvenir de cette révolution fraternelle, populaire et idéaliste, marquée par la personnalité de Louise Michel, icône féministe et combattante, surnommée «la vierge rouge», dont il a été question dans un Courrier récent.

Des «Amis de la Commune» aux librairies anarchistes, au Temps des Cerises, restaurant coopérative ouvrière, et à Radio libertaire, on y rappelle qu’un autre monde serait possible, basé sur plus de justice et surtout de fraternité. C’est aussi un haut lieu de la culture alternative, artistique, littéraire et musicale, où fresques murales et graffitis se renouvellent sans cesse, parfois sollicités par les propriétaires des façades! Ici ou là, on retrouve quelques œuvres de la regrettée Miss.Tic, dont les pochoirs s’étaient répandus dans tout Paris et les œuvres à l’international.

Avec l’anniversaire de la Commune, la Fête de la musique est devenue l’autre grande fête locale. Mais, quand un ministre de la culture de droite, successeur de Jack Lang, avait eu l’idée de l’inaugurer en direct sur de grandes chaînes de télévision nationales, à vingt mètres d’un concert punk, toute la France avait pu admirer son évacuation immédiate sous un déluge de cannettes de bière. Ses gardes du corps ne lui avaient trouvé comme refuge que La Folie en Tête, bar d’où émettait… ­Radio libertaire!

Côté musique, des artistes se produisent dans les bars et restaurants, dont beaucoup entretiennent des traditions de chanson française et/ou révolutionnaires de tous les pays. «Riki de la Butte aux Cailles», à l’origine chercheur en grec ancien, a un répertoire inépuisable dans ce domaine. On y entend aussi de nombreuses reprises d’auteurs comme Brassens, Brel, Boby Lapointe et, bien sûr, Léo Ferré, grands sympathisants de l’esprit du lieu. Mais ne croyez pas que le féminisme de Louise Michel a disparu au milieu de toute cette testostérone! Une nouvelle génération de chanteuses ne se contente pas de ces reprises, mais crée ses propres œuvres, comme Justine ­Jérémie.

La Louise Michel d’aujourd’hui a troqué son arme pour un accordéon, préfère le noir au rouge, sauf dans son verre, et prétend plus à la maternité heureuse qu’à la virginité guerrière. Sans, pour autant, faiblir sur ses convictions et son appui chanté aux luttes sociales. Sur des rythmes et des harmonies variés, son premier album «Distraite» rassemble ses chansons sur les émotions majeures de la vie, de sa vie, pleine de joie, d’humour et de mélancolies. Avec une voix chaleureuse, l’accent parigot et un succès qui la font solliciter partout en France et, de plus en plus, à l’international. Dans un tel contexte, la distraite aura du mal à rester discrète… Dommage, ça lui va si bien!

Sur toutes les plateformes, ou, en live, les premiers samedis du mois à l’Auberge de la Butte, dès septembre.

* Chroniqueur énervant.

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lundi 8 janvier 2018

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