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Equité des soins pour les demandeurs d’asile?

À votre santé!

Comme j’ai déjà eu l’occasion d’en parler, j’ai, sur mandat cantonal, assuré la consultation de l’Hôpital de l’enfance de Lausanne pour les enfants ukrainiens l’an dernier. Celle-ci se faisait toujours avec une infirmière et un·traducteur ou une traductrice. Même dans ces conditions, pourtant assez idéales et de loin pas toujours présentes ailleurs, nous sentions la difficulté d’être équitable dans nos soins. Je pense en particulier à une enfant sourde d’une dizaine d’années, qui vivait dans un établissement collectif avec sa mère et ses trois sœurs et qui avait apparemment un bon niveau scolaire: que d’obstacles à vaincre pour tenter de répondre à ses besoins! Au moins permettions-nous d’améliorer l’accessibilité aux soins de cette population migrante, au demeurant déjà facilitée par l’octroi presque immédiat d’un permis S, statut particulier qui fait défaut aux autres demandeurs d’asile (mais c’est une autre histoire!).

Depuis, j’ai eu l’occasion d’examiner, à la demande d’une association civile, une dizaine d’enfants qui séjournaient dans un Centre fédéral d’asile (CFA): leurs parents se plaignaient de ne pas être entendus dans leurs craintes pour leurs enfants. Si aucun enfant ne souffrait de maladie présentant un risque pour sa survie, aucune visite médicale de base n’avait été organisée au centre, alors que tous ces enfants étaient en Suisse depuis au moins un mois et que sept d’entre eux étaient âgés de moins de 3 ans.

Certains avaient été amenés dans un service d’urgence de pédiatrie, sans traducteur, et les parents avaient reçu une médication sans toujours en comprendre le bien-fondé. Deux cas auraient mérité un avis spécialisé rapide pour une problématique somatique complexe et deux autres enfants souffraient d’un syndrome de stress post-traumatique lié aux violences vécues au passage de la frontière croate sans prise en charge. Dans ce CFA, où les repas étaient livrés, il n’y avait par ailleurs aucune adaptation alimentaire pour les petits enfants et les nourrissons.

En l’occurrence, l’accessibilité aux soins pour ces enfants était lacunaire. Non seulement l’équité clinique (qui nous demande de faire plus pour des populations vulnérables), mais encore l’équité institutionnelle (où les structures de soins s’adaptent aux besoins spécifiques) et structurelle (où la société s’adapte pour atténuer les différences dues aux déterminants socioéconomiques – ce dont nous sommes loin!) n’étaient respectées. Ne s’agit-il pas, en l’occurrence, d’un simple manque de bon sens et d’humanisme de la part des intervenant·es? Ou, pire, d’une volonté délibérée?

Récemment encore, j’ai eu l’occasion d’entendre un avocat mandaté par le Service d’Etat aux migrations (SEM) pour évaluer et formuler si nécessaire un recours en cas de non entrée en matière de requérant·es d’asile: il nous disait les difficultés d’obtenir dans les délais (très courts) des avis médicaux, y compris dans des situations cliniques évidentes pour un non clinicien, en relevant que les consultations de triage faites par du personnel paramédical, mais aussi par des médecins (souvent installés en privé), ne comprenaient pas d’interprètes. Là aussi, on est loin de l’équité qui doit inclure une collaboration interprofessionnelle de défense du droit à la santé. Selon ce représentant juridique, tout semblait être fait pour que chacun travaille «en silo», sans lien avec les autres intervenant·es professionnel·les.

Dans l’éditorial d’un numéro récent de la Revue médicale suisse (RMS)1>www.revmed.ch volume 19, 1291-92 (no 834). traitant du sujet, les auteurs affirment que «la sagacité clinique, l’interdisciplinarité, l’éthique et la déontologie se trouvent confrontées à des situations aux limites de l’acceptable, inéquitables, complexes sur le plan juridique et politiquement sensibles… Nous [les auteurs de l’édito] souhaitons que penser l’équité en santé devienne un réflexe dans la pratique des soins et dans la recherche en santé publique».

Il y a beaucoup à faire, sachant que cette problématique est largement mondiale puisque l’OMS admet qu’une personne sur huit est migrante, comme le rappelle l’édito de la RMS. En Suisse, qui n’est d’ailleurs pas en première ligne des destinations de migrants, nous pourrions avoir un «devoir d’exemplarité», ne serait-ce que par respect des accords de Genève de 1951 relatifs au statut des réfugiés. Les soignant·es trouveraient plus de sens à leur travail.

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Bernard Borel est pédiatre FMH et conseiller communal à Aigle.

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lundi 8 janvier 2018

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