Édito

La position du gestionnaire

La position du gestionnaire
Pedro Sánchez (à g.) et Pablo Iglesias. KEYSTONE/ARCHIVES
Espagne

C’est une expérience politique peu commune qui affronte les urnes ce week-end en Espagne. Depuis l’hiver 2018, un gouvernement de coalition rose-rouge dirige l’une des principales puissances de l’UE, situation qui ne s’était plus produite depuis le gouvernement «pluriel» de Lionel Jospin (1997-2002). Et force est de constater que l’exécutif mené par le Parti socialiste (PSOE) et Unidos Podemos (UP) présente un bilan solide, salué aussi bien par les syndicats et les économistes progressistes Joseph Stiglitz et Thomas Piketty que par Bruxelles et le FMI, qui voient aujourd’hui dans la quatrième économie de l’UE le moteur de sa croissance.

Des satisfecit d’ordre macroéconomique obtenus avec une attention portée aux plus faibles, à la transition écologique mais aussi avec la volonté de donner de nouveaux droits sociaux et sociétaux. Nous ne passerons pas ici en revue ce bilan (lire notre reportage) mais soulignerons que la politique du gouvernement PSOE/UP était probablement ce que l’Espagne pouvait accueillir de plus progressiste actuellement. Un projet pragmatique, soucieux des équilibres sociaux, environnementaux, régionaux, dans un Etat des plus inégalitaires et, qui plus est, secoué par des convulsions identitaires.

Le dire, c’est souligner les mérites… autant que l’échec de Podemos! Issu des mouvements sociaux antiaustérité avec l’espoir de transformer la société, le mouvement de Pablo Iglesias aura surtout permis de briser le bipartisme PSOE/Parti populaire, qui enserrait la démocratie et faisait de l’électorat de gauche l’otage de la social-démocratie. Celle-ci ne peut plus se contenter de regarder vers le centre pour battre les conservateurs. En somme, sans Podemos, l’alternance n’aurait pas été possible, et c’est déjà énorme.

Pour le reste – du fédéralisme à la démocratie participative, en passant par la socialisation de l’économie, l’audit de la dette, le pluralisme médiatique ou la résistance à Bruxelles –, on n’en aura pas vu trace durant ces quatre ans et demi. Pis, le projet transformateur qui était à la base de Podemos (nous pouvons) est à peine évoqué dans le programme de l’alliance Sumar (additionner), qui s’est formée sous la conduite de la populaire Yolanda Díaz.

La dissolution de Podemos dans le projet très personnaliste de Mme Díaz dit toute la difficulté, dans cette Europe du XXIe siècle, à quitter la position du gestionnaire. Sans minimiser l’exigence de résultats concrets, la gauche de la gauche ne peut se dérober à cette autre mission. Au-delà du catalogue de bonnes intentions pour chacune de ses clientèles, elle a toujours eu vocation à esquisser la perspective d’un avenir commun désirable pour le plus grand nombre. A défaut, la politique ayant horreur du vide, ce sera l’extrême droite qui tracera bientôt l’horizon.

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