Édito

Le «small talk» victime du climat

Le «small talk» victime du climat
Parler du temps, c’est aussi mentionner qu’en Europe, le réchauffement climatique est deux fois plus rapide que la moyenne mondiale. Photo: Turin, Italie, 15 juillet 2023. KEYSTONE
Climat

«Tout le monde parle du temps. Nous pas», disait l’affiche d’un syndicat estudiantin allemand à la fin des années 1960, détournant un slogan de la Deutsche Bahn avec les portraits de Marx, Engels et Lénine. En 2019, la publicité a été reprise par l’artiste de Tübingen Anne-Christine Klarmann, qui remplace le trio masculin par la jeune gréviste du climat Greta Thunberg, la capitaine de navire et activiste Carola Rackete et la chercheuse Judith Ellens. Cette fois, le slogan se concluait par «nous aussi»1>Les deux affiches sont actuellement exposées dans l’excellente exposition «Everybody Talks About the Weather», à voir jusqu’au 26 novembre au siège vénitien de la Fondation Prada..

Or en ce mois de juillet, il y a largement de quoi causer, avec les températures infernales en Europe, aux Etats-Unis ou en Chine – 52,2°C enregistrés dimanche dans la région du Xinjiang. On peut aussi engager la conversation sur les feux de forêt au Canada, où plus de deux fois la superficie de la Suisse est d’ores et déjà partie en fumée, rien que cette année. Quant aux pluies torrentielles, par exemple au Japon et en Corée du Sud, on constatera qu’elles ont fait plusieurs dizaines de morts ces derniers jours.

Parler du temps, c’est aussi mentionner qu’en Europe, le réchauffement climatique est deux fois plus rapide que la moyenne mondiale. Notamment pour cause de fonte du permafrost dans les Alpes et dans les régions polaires. Et si la Suisse est actuellement épargnée par la vague de chaleur, ce n’est pas à cause de son altitude moyenne mais parce qu’elle se trouve en bordure du fameux dôme de chaleur influençant une partie de l’Europe. L’été helvétique n’en sera pas moins l’un des plus chauds depuis le début des mesures.

Bien sûr, le «nous aussi, nous parlons du temps» de Greta Thunberg et consorts ne se réfère pas aux conversations pour ne rien dire, celles qu’on engage sur un terrain neutre, en évitant de confronter les opinions politiques – bien au contraire. Ce qui ne fait que souligner le paradoxe suivant: alors que le dérèglement climatique modifie la planète en profondeur, on risque le casus belli à la moindre allusion météo, pour cause de hordes numériques hurlant à l’imposture face aux rapports du GIEC. Le small talk, victime collatérale du réchauffement global.

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