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Empreinte carbone

Léon Meynet adresse un certain nombre d’interrogations concernant nos émissions de CO2.
Environnement

A l’heure où les conflits sévissent de partout à force de munitions et de bombes en tout genre, nous sommes toujours tenus dans la plus totale ignorance au niveau de leur empreinte carbone. La Russie en Ukraine, c’est combien? Et l’Amérique au Vietnam, en Afghanistan, en Irak ou en Libye, c’était combien? Circulez, il n’y a rien à savoir. Ce n’est pas d’actualité. Mais bon, c’est d’autant plus difficile à avaler que les médias nous arrosent 24 heures sur 24 d’images et de commentaires sur les conflits, passant outre la question de l’empreinte carbone des blindés, des fusées, des Imars, des avions, des hélicoptères, des corvettes et autres armes dont la liste est infinie.

Par contre nous savons tout sur nos chauffages indésirables, sur nos véhicules à combustion, sur nos avions civils et jets privés, sur nos usines et même sur les émissions de méthane de nos bovidés. Mais pas la moindre once d’une projection de cabinets conseils sur les nuisances d’armement!

Cela étant, il y a un autre domaine où personne n’est pressé de vouloir effectuer une évaluation similaire, c’est celui des grands tours cyclistes. C’est le récent passage en Valais du Tour d’Italie qui m’a mis la puce à l’oreille. Fortuitement, j’ai pu voir dans le détail, du haut d’un balcon à la sortie de Sierre, l’incroyable ballet mécanique que cette épreuve sportive engendrait: des dizaines de motos, de voitures d’équipes et d’organisation de course, des cars, deux hélicoptères et mêmes quatre minibus de la Croix-Rouge (il semblait qu’elle avait dû limiter ses interventions internationales faute de moyens financiers). A cet inventaire il faut ajouter tous les véhicules des bénévoles et de la protection civile appelés sur le terrain le long du parcours pour assurer le contrôle des sorties intempestives des petites routes, chemins et parkings des voitures, motos, vélos privés.

Chauffeurs, soigneur·ses, policier·ières, directeurs·trices sportifs, coachs, journalistes, commentateurs·trices, cameramen, etc… Ils et elles sont tou·tes indispensables au bon déroulement du Giro. Mais à quel prix et avec quelles conséquences lorsque l’on sait que la renommée des grands tours draine des milliers de spectateurs·trices qui tous et toutes motorisés·es s’agglutinent dans les campagnes ou sur les montagnes à plus de 2000 mètres d’altitude. Des cohortes de quatre, trois, deux roues avec leurs traînées de CO2 prennent d’assaut monts et vaux sans complexe, sans état d’âme, dans l’indifférence générale, pour voir passer l’espace de quelques secondes les grands noms du cyclisme ou les héros du jour en rose, en jaune ou en vert. Ensuite, c’est le bal des moteurs qui retrouve pleinement ses droits pour des retours joyeux et satisfaits à la maison.

Une telle débauche de gasoil, d’essence, de kérosène et d’électricité à l’heure où la couche d’ozone implore notre modération était-elle raisonnable? Et tous ces blindés de dernière génération, tous ces avions de chasse, tous ces missiles d’attaque et de défense, toute cette artillerie, toutes ces bombes qui anéantissent des villes, des vies alors que la planète se meurt et appelle au secours, est-ce bien raisonnable? A quoi toute cette débauche de spectacles peut-elle bien servir? Nous faire oublier les coups durs et les vicissitudes du quotidien? Nous donner l’illusion qu’en dépit de tout, tout fonctionne, tout peut encore fonctionner comme avant, comme si de rien n’était? Comme si seuls les loisirs et les divertissements allaient nous sauver de toutes les catastrophes?

Il y a des questions dérangeantes qui doivent rester sans réponse car elles empêcheraient la grande et dérisoire machine économique de tourner. Elles empêcheraient que notre folle course dans le mur se fasse en chantant et en dansant pour anesthésier le choc.

Léon Meynet,
Chêne-Bougeries (GE)

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