Les si profondes racines de la colère
La mort mardi à Nanterre du jeune Nahel, tiré comme un lapin par un policier, a déjà provoqué deux jours d’émeutes en France. Des bâtiments publics endommagés, voire incendiés, des voitures brûlées, le pouvoir redoute une nouvelle séquence de violence.
De quoi cette violence est-elle le nom? De celui d’un déni. Cette énième bavure a mis en évidence une nouvelle fois que les forces de l’ordre françaises semblent bénéficier d’une certaine impunité. Dans un premier temps, dans une curieuse symétrie, le mort était également poursuivi pour tentative d’homicide volontaire sur personne dépositaire de l’autorité publique!
Une vidéo a fait voler en éclats la narration qu’en ont faite les policiers impliqués dans ce tir. Il ne s’agissait nullement de légitime défense, comme ils ont tenté de le justifier dans leur procès-verbal manifestement falsifié. Cette présomption de culpabilité de la victime a pourtant rapidement essaimé sur les plateaux de télévision français dont la dérive vers l’extrême droite est de plus en plus manifeste. La crise sociale se double d’une crise médiatique et politique.
La manière dont certaines affaires sont balayées ne laisse pas d’inquiéter. Les poursuites engagées contre Assa Traoré qui, avec beaucoup de courage, se bat pour que la mort de son frère Adama ne reste pas impunie, en sont une triste illustration. Cette question n’est pas réservée à la France. On songe aux Etats-Unis, avec l’affaire George Floyd. Mais le récent procès de l’affaire Mike Ben Peter laisse lui aussi un goût amer.
Enfin, les réactions du gouvernement français montrent qu’il y a panique à bord. La crainte d’une nouvelle jacquerie point. Les réactions d’un Emmanuel Macron ou d’une Elisabeth Borne s’inscrivent surtout dans une volonté d’apaiser la colère populaire.
Le problème étant que cela se voit. Le discours se voulant empathique du président de la République n’est guère crédible. Le même qui se plaçait en rempart contre l’extrême droite réhabilite le maréchal Pétain; le même qui a morigéné les personnes évoquant des violences policières systémiques se place en Salomon des banlieues. Il y a peu de chance qu’il soit écouté.
La seule réponse possible est celle de la justice, légale, mais aussi sociale, dans une France livrée aux appétits des forces marchandes et gouvernée à la matraque. Le passé récent a montré qu’elle est difficile à obtenir. Là est le problème. Là réside la colère.