Un verdict qui n’épuise pas le besoin de justice
Entre 2016 et 2021, quatre hommes noirs sont morts sur le territoire vaudois dans le cadre ou à la suite d’interventions policières. Hervé Mandundu à Bex, Lamin Fatty à la Blécherette, et Roger Nzoy Wilhelm à Morges sont des noms régulièrement associés à celui de Mike Ben Peter, mort à Lausanne en 2018.
Cinq ans après l’opération antidrogue qui lui sera fatale, et à la suite de bien des manifestations contre le racisme et les violences policières, le verdict lu jeudi par le Tribunal d’arrondissement acquitte les six policiers prévenus d’homicide par négligence.
Décriée, cette conclusion est somme toute peu étonnante au vu de l’instruction et des éléments retenus. Ainsi que des expertises médico-légales ne se prononçant pas sur la responsabilité létale qu’ont pu avoir coups dans les parties génitales, spray au poivre et un plaquage ventral controversé et parfois interdit ailleurs mais autorisé ici.
Que ce décubitus ventral ait été mené laborieusement après «une lutte farouche» (selon le terme un rien euphémique utilisé dans le dossier et lors des audiences) et maintenu au-delà de la durée préconisée par la police, y compris lorsque les agents avaient menotté Mike Ben Peter, aura eu son impact.
Sans qu’il ne soit décisif au sein du prétoire, le doute sur le lien de causalité entre l’intervention et le décès devant profiter aux accusés. Le fameux in dubio pro reo protégeant, à raison, tout citoyen·ne de la puissance de l’Etat.
Mais en dehors du tribunal, le raisonnement qui y a sa logique peut paraître court. Après des affaires si rapprochées et touchant sans exception des hommes noirs, la question de savoir qui nous protège du bras armé de l’Etat et de ses pratiques dans la rue continue d’être posée par les proches de victimes, les militant·es antiracistes et les organisations de défense des droits humains.
Si le versant judiciaire des cas précis suivra son chemin, il est, par définition, peu probable que le troisième pouvoir soit à même de faire le procès des épineuses questions plus structurelles des violences policières et du racisme, ou d’éclaircir leur rôle réel ou supposé dans ces affaires.
Après des années de mobilisations, les cours de sensibilisation qui évitent les réformes des pratiques policières ne semblent plus convaincre.
Il est désormais temps de reconnaître que seul le souverain populaire peut répondre politiquement à ces questions que la société civile a raison de mettre sur la table.
Quels que soient les verdicts légitimes des tribunaux – c’est au peuple de décider démocratiquement de la manière dont il veut assouvir une soif de justice tout aussi légitime en ce qui concerne l’action de la police ou la lutte contre le racisme. Des questions qui ne seront pas tranchées dans des prétoires.