Agora

Ne plus contraindre les individus à passer par des voies numériques?

Revenant sur la page consacrée au sujet dans Le Courrier du 9 juin, le physicien Libero Zuppiroli s’intéresse aux divers points de vue qui se confrontent autour de l’intégration du principe d’intégrité numérique dans la Constitution genevoise, soumise aux urnes le 18 juin.
Intégrité numérique 

Le monde du numérique a été construit autour d’un large aréopage de compagnies transnationales qui seules disposent pleinement des machines et de leurs accessoires, matériels et surtout immatériels. La seule action significative concrète des communautés publiques européennes a consisté jusqu’ici à imposer dans tous les domaines l’obligation d’être connectés. Avec ce système, on est entré dans l’ère du no-reply: remplissez le formulaire en ligne sans déborder, écoutez le robot qui vous écrit ou vous parle et taisez-vous! Il faut voir comment l’on est traité lorsque l’on veut obtenir de simples papiers d’identité ou, pire, des titres de séjour en France ou en Italie: du vrai bétail numérique!

En outre, les Etats se bousculent aujourd’hui au portillon des sociétés multinationales des technologies de l’information et de la communication pour pouvoir disposer de méthodes de contrôle social: il s’agit entre autres de pouvoir prévenir la criminalité, la désobéissance civile, de pouvoir éviter l’explosion des coûts de la santé, de l’aide sociale, et de l’assurance chômage, de pouvoir rationaliser les transports publics et la circulation automobile, de réguler les flux d’énergie, de ressources et de déchets, dans un univers entièrement connecté. A la manière des démocrates étasuniens, les éco-socialistes européens soutiennent souvent ces projets numériques de surveillance «smart» comme des moyens de sauver la planète.

C’est dire à quel point le projet de loi constitutionnelle pour «l’intégrité numérique» mérite d’être soutenu, même si, inévitablement, il y a toujours quelque anguille sous roche dans un projet aussi général.
Il est bon de rappeler aussi que le numérique et sa fille aînée, l’intelligence artificielle manipulatrice des esprits et des consciences, ne sont pourtant pas des fatalités; car là où les protestations citoyennes comptent pour du beurre, le consommateur et la consommatrice demeurent en revanche tout puissants. Qu’ils et elles décident de boycotter quelques-unes des multinationales et tout changera. Ce mouvement à caractère mondial aura sans doute lieu un jour, quand un grand nombre de gens, saturés d’informations vides de sens, lèveront la tête de leur smartphone: ce sera la prochaine révolution.

Peut-être est-ce justement cela que le projet de loi constitutionnelle a voulu par avance éviter.

Bonvillars, VD.

Louis Viladent, «L’intégrité numérique: une fausse bonne idée?», Le Courrier du 9 juin 2023.

Opinions Agora Libero Zuppiroli Intégrité numérique 

Connexion