Le 14 juin, le ralliement sera aussi interreligieux
A l’occasion de la grève du 14 juin prochain, une collective interreligieuse de femmes et d’hommes organise une journée d’actions. Pour Martine Sumi, présidente de la Plateforme interreligieuse (PFIR), coorganisatrice, il est important de manifester pour montrer que les relations entre hommes et femmes sont parfois difficiles au sein des religions. «Femmes de parole, paroles de femmes» se veut «une réaction à la minimisation et à la silenciation», explique Laurence Mottier, modératrice de la Compagnie des pasteur·es de l’Eglise protestante genevoise (EPG). Il s’agit de souligner la valeur de cette parole et l’importance de pouvoir l’exprimer. «En tant que protestantes, c’est une possibilité que nous avons puisque nous avons accès au pastorat. Ce n’est pas le cas dans d’autres traditions chrétiennes ou religieuses, avec lesquelles nous sommes solidaires, comme nous sommes solidaires des autres revendications du 14, telles l’égalité salariale ou le refus des violences sexuelles.»
Ce n’est pas sans lien avec la thématique de la parole que ce 14 juin le Réseau des femmes en Eglise ira manifester à Fribourg, au CCRFE, le Centre catholique romand de formations en Eglise. Les femmes du Réseau demandent que la formation à l’animation pastorale, suivie par de très nombreuses femmes, donne la possibilité de prêcher. «Il nous paraît essentiel que la Parole de Dieu puisse être commentée par les femmes.» De nombreuses offres sont ouvertes aux femmes, souligne Marie-Christine Conrath, membre du Réseau et agente pastorale de l’Eglise catholique dans le canton de Neuchâtel, «mais elles ne suffisent souvent pas pour accéder à des postes de cadres, qui vont très généralement aux théologien·nes, et en tout cas à des universitaires». Le Réseau demande en outre que la direction du CCRFE se féminise, donne plus de place aux femmes dans la conception des programmes et des cours, pour que la formation réponde mieux aux besoins des femmes engagées dans l’Eglise.
Egalité pour toutes
Dans l’Eglise protestante, malgré des conditions plus favorables, les plafonds de verre existent aussi, dans les trésoreries notamment, rappelle Laurence Mottier. Elle-même n’est que la deuxième femme à avoir été élue à la tête de la Compagnie des pasteur·es, l’autorité théologique de l’EPG. Selon la théologienne, il reste beaucoup d’efforts à faire pour que la liturgie donne une vraie place au féminin: «Il s’agit par exemple de retravailler les noms de Dieu.» Un projet qui suscite des oppositions. «Dieu est une valeur refuge pour beaucoup de gens… Nous tentons de contourner le front d’opposition en dépassant le débat binaire homme-femme et en rouvrant le dialogue autour du droit à chaque expérience de trouver une expression dans l’Eglise.» De toute façon, observe la théologienne, «Dieu nous échappe».
Razieh participe depuis 2019 à la Grève féministe. Elle sera de la journée d’action comme membre de la Plateforme interreligieuse (PFIR). «Ce que je défends, c’est l’égalité pour toutes les femmes: en termes de salaire mais aussi en termes de considération et cela, que l’on soit voilée ou non.» Martine Sumi défend elle aussi l’intersectionnalité des combats. Et dénonce la disposition de la loi genevoise sur la laïcité interdisant tout couvre-chef ou signes religieux pour les agent·es de l’Etat en contact avec le public, qui «discrimine prioritairement des femmes». Membre d’une communauté musulmane de Genève, Razieh évoque les difficultés professionnelles rencontrées par elle-même et par des connaissances. «Cette loi nous oblige à choisir entre porter le voile et exercer certains métiers ou fonctions. J’aimerais que nous n’ayons pas à subir ce genre de dilemme en raison d’un choix qui relève de notre liberté fondamentale.» Elle-même a renoncé à son rêve d’enseigner. La disposition légale n’est pas seule en cause. Razieh regrette de ne pas pouvoir être une «citoyenne toute simple, d’ici», en raison du regard porté sur son voile, en particulier par les médias et la politique, «qui parlent beaucoup trop souvent de nous et à notre place, d’une manière qui nous déshumanise». «Toutes les femmes doivent avoir un droit égal à la parole, c’est ce que je revendique pour ce 14 juin.»
2019, quels acquis?
En 2019, les femmes des communautés religieuses s’étaient déjà mobilisées. Avec quel succès? «Ce sont surtout des éléments faciles à réaliser qui ont évolué, observe Laurence Mottier, comme l’adoption du langage épicène ou du congé paternité.» Un «faciles» légèrement euphémistique, sachant quelles polémiques la féminisation du langage a suscitées autour d’elle, qui a défendu la démarche. Le Réseau catholique des femmes en Eglise avait, lui, rendu visite à la COR, qui réunit les évêques, vicaires et délégués épiscopaux de Suisse romande. Il réclamait une «participation significative» des femmes dans les instances décisionnelles et de formation. «L’évènement avait eu une forte portée symbolique, commente Marie-Christine Conrath, certains avaient été bousculés, et on voit que ça avance un peu. Mais au rythme de l’Eglise, c’est-à-dire lentement.»
A Genève, plusieurs activités sont prévues au Temple de Plainpalais: un atelier pancartes (11h) suivi d’une prière interspirituelle (12h15), Les cloches sonneront à 15h24, heure de l’inégalité salariale et d’action symbolique. Des cercles de paroles auront lieu ensuite, avant le rassemblement sur la Plaine de Plainpalais pour la manifestation. A 20h, rendez-vous est donné devant le Mur des Réformateurs.