Édito

Janus politique

Janus politique
Le Conseil d'Etat genevois a prêté serment ce mercredi après-midi à la cathédrale Saint-Pierre. KEYSTONE
Genève
Certes l’exercice est un peu convenu: il s’inscrit dans le consensus mou si cher aux Suissesses et aux Suisses. Le nouveau Conseil d’Etat genevois, qui prêtait serment ce mercredi, a présenté son discours de Saint-Pierre, c’est-à-dire son programme politique pour son quinquennat à venir.
Un paragraphe a même été écrit par ChatGPT4. Le ton technocratique de l’intelligence artificielle ne jure pas dans ce catalogue de bonnes intentions qui se prête aux interprétations multiples. Car il y a un aspect très macroniste – le «en même temps» cher au locataire de l’Elysée – au discours lu par le vert Antonio Hodgers, président pour l’année future d’un collège gouvernemental solidement ancré à droite.
Ceci explique donc cela. Deux des trois grands chapitres de ce catalogue allient les contraires. Il s’agit de garantir un Etat social solide, tout en réduisant les dépenses pour alimenter les investissements et réduire la dette.
Et en baissant les impôts! La barque n’est-elle pas un brin trop chargée? La fonction publique aura droit à une «nouvelle culture du travail». Parfait, s’il s’agit de réduire le poids de la bureaucratie; mais cela peut aussi être lu comme une volonté de liquider certains acquis sociaux. Même topo dans la santé, où il est question de garantir un service public fort tout en caressant dans le sens du poil les cliniques privées.
Idem pour l’aide sociale, qui vise à garantir un retour à l’emploi. Pas un mot sur les raisons du creusement des inégalités ou sur les évolutions du marché de l’emploi, qui excluent de plus en plus de personnes, ni sur l’explosion des profits des actionnaires au détriment des salaires. On ne va pas fâcher les banques.
Enfin, côté environnement, si on peut saluer l’inscription de la crise climatique au cœur des préoccupations du collège gouvernemental, on voit que celui-ci reste prisonnier d’une certaine logique productiviste.
L’issue est à chercher du côté des révolutions technologiques, on est loin d’un changement systémique pourtant inévitable. Et gageons que satisfaire à la fois les automobilistes, les piéton·nes, les usager·ères des transports publics et de l’aéroport Genève-Cointrin, comme il est un peu benoîtement évoqué, sera climatiquement compliqué.
Seul domaine où le nouvel exécutif se déboutonne un peu c’est celui des libertés et des droits individuels. Une bonne chose, notamment les engagements pris sur l’égalité hommes femmes ou encore l’annonce du maintien de la formation comme une priorité, à l’heure où celle-ci est de plus en plus transformée en marchandise.
Avec un parlement cantonal ayant sérieusement glissé à droite, le maintien de ces équilibres ne sera pas chose aisée. Le rôle de la société civile – syndicats et associations en tête – sera crucial pour que ces promesses à géométrie variable ne tombent pas systématiquement du côté du moins d’Etat de ce nouveau Janus politique.
Opinions Édito Philippe Bach Genève

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