Négligences dans l’asile
Les requérant·es d’asile hébergés au sein des Centres fédéraux subissent des conditions d’hébergement qui ne respectent pas toujours leurs droits. Dans son rapport effectué en 2021 et 2022, la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) dénonce une «situation actuellement critique» et demande des ressources supplémentaires. Elle en appelle à la responsabilité du Conseil fédéral et du parlement. L’année 2022 a été marquée par l’arrivée de nombreuses personnes venues d’Ukraine, mais aussi d’Afghanistan et de Turquie, ainsi que par une forte hausse des mineur·es non accompagné·es. Le point.
1. Des mineures livrées à elles-mêmes
Beaucoup de jeunes sont arrivé·es sans leurs parents. Entre mars 2021 et décembre 2022, le nombre de mineur·es non accompagné·es est passé d’une petite centaine à plus de 1700. Et la prise en charge ne suit pas toujours très bien, surtout pour les jeunes filles, en minorité. «Hormis l’école, aucune structure journalière n’était prévue pour elles. Elles étaient le plus souvent livrées à elles-mêmes», écrit la CNPT dans son rapport.
La commission constate que les membres du personnel socio-éducatif s’occupent principalement des garçons. Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et les entreprises d’encadrement violent l’interdiction de discrimination en raison du sexe inscrite dans la Convention relative aux droits de l’enfant, selon la CNPT. Celle-ci demande également que les filles aient accès à une solution d’hébergement adaptée.
L’encadrement des garçons n’est pas totalement adéquat non plus. Alors que les collaborateur·rices sont accaparé·es par des situations d’urgence, le suivi individuel n’est plus assuré et certains jeunes sont sous-occupés. La CNPT demande de revoir l’encadrement pour qu’il soit garanti «même en cas d’afflux important» ainsi qu’un accès à une offre suffisante de loisirs et d’activités.
D’autres groupes vulnérables doivent être également mieux pris en considération, telles que les personnes avec handicap. Dans certains centres, elles ne peuvent pas se déplacer librement, l’ascenseur étant disponible uniquement avec une clé détenue par le personnel. A Chiasso, une femme en chaise roulante a été hébergée trois nuits dans une pièce de passage au rez-de-chaussée, sans accès à une douche.
2. Prévention du suicide insuffisante
Nombre de mineur·es sont psychiquement très affecté·es. Cela se manifeste par «des agressions, des comportements additifs, des troubles du sommeil, des automutilations et des pensées suicidaires». Face à la pénurie de personnel qui touche les soins psychiatriques, la CNPT recommande de mettre en place des «offres alternatives».
Les tentatives de suicide concernent également les adultes. Dans la plupart des centres, des requérant·es ont fait part à la Commission de pensées suicidaires. Celle-ci a eu connaissance d’un suicide, de 16 tentatives, «d’une dizaine de cas peu clairs (tentatives de suicide ou automutilations) et de plusieurs dizaines de cas d’automutilations».
La CNPT demande des mesures pour que les risques aigus soient mieux identifiés et pour favoriser l’intervention d’un·e psychiatre urgentiste ou une hospitalisation. Les employé·es des centres devraient aussi avoir accès à un soutien psychologique après avoir été confronté·es à des tentatives de suicide, préconise la commission.
3. L’usage de la force questionné
La commission émet des critiques sur le flou entourant le recours à la contrainte physique par les agent·es de sécurité et l’isolement des requérant·es dans une salle dédiée. «Il semblerait que le personnel de sécurité ne sache pas toujours dans quelle situation quel type de contrainte physique est admise», écrit-elle.
Alors que les agent·es d’un centre (la commission n’écrit pas lequel) lui ont déclaré qu’ils et elles n’utilisaient jamais l’immobilisation au sol, les rapports du centre en question indiquent le contraire. La commission recommande que le personnel connaisse les règles relatives à la contrainte «et s’y tienne».
Elle qualifie de «pratique extrêmement délicate» la rétention de courte durée dans une salle dite «de sécurité». Les agent·es doivent parfois recourir à la contrainte physique pour empêcher les personnes de se faire du mal (automutilation) au sein de cette salle.
Elle estime que les centres doivent renoncer à l’isolement «lorsque la personne présente un danger pour elle-même». Elle critique également l’enfermement pour «les auteurs de dégradations matérielles de peu de gravité». Dans ces salles, les personnes doivent avoir accès «à un siège et à de l’eau potable sous une forme appropriée», recommande encore la commission.
4. Des fouilles même sur les enfants
Les fouilles corporelles sont effectuées sur les requérant·es dès 12 ans et parfois sur les enfants plus jeunes de manière systématique à l’entrée. La commission demande que des fouilles corporelles ne soient effectuées qu’en cas de soupçons concrets de présence de substances ou d’objets interdits, et qu’elles restent sommaires (par palpation). «Des fouilles corporelles plus approfondies doivent être de la seule initiative et du seul ressort de la police», écrit-elle.
Les requérant·es qui subissent des violences peuvent s’adresser à un bureau de signalement externe dans les centres de Bâle et de Zurich (projet pilote). La CNPT demande que l’usage disproportionné ou illicite de la force de la part du personnel à l’égard des requérant·es puisse également y être dénoncé. Les victimes potentielles doivent être soutenues par le SEM et informées de leurs droits, réclame la commission.
Elisabeth Baume-Schneider à Boudry
La conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider a visité hier le Centre fédéral pour requérant·es d’asile de Boudry dans le canton de Neuchâtel, où la situation est jugée apaisée depuis six semaines. Les effectifs sont redescendus sous le plafond conventionnel, avec 419 personnes environ.
La ministre de Justice et police a évoqué la situation tendue qui a régné autour du site avec les autorités et les milieux associatifs dans le cadre d’une table ronde. En début d’année, le centre a dénombré plus de 800 requérant·es d’asile, alors que la convention avec la Confédération prévoit une capacité maximale de 480 individus.
Le 9 mars, le Conseil d’Etat neuchâtelois avait décidé, en lien avec le sentiment d’insécurité croissant autour du centre fédéral, d’octroyer des moyens supplémentaires à la police, soit 5 postes en équivalent plein temps. La demande de mesures avait été formulée à fin février par le Grand Conseil. Les députés avaient aussi exigé que les limites de capacité d’accueil des requérants d’asile dans le canton soient rigoureusement respectées. ATS
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