Vaud

«Et surtout, ne craignez rien!»

Depuis mars, une centaine de caravanes de gens du voyage ont investi le parking relais de la Bourdonnette.
«Et surtout, ne craignez rien!» 1
Une partie des Gitans installés à la Bourdonnette prendront la route du sud de la France, d’ici fin mai, pour accomplir le pèlerinage annuel des Saintes-Marie-de-la-Mer. KEYSTONE
Lausanne 
Des bennes à ordures et blocs de béton barrent l’entrée du parking relais, qui pourrait difficilement accueillir davantage de caravanes, tant elles sont serrées. A l’entrée du campement, en contrebas du Garage Sud-Ouest, de jeunes hommes repeignent des volets, dont la peinture verte sèche au soleil. «Les hommes sont partis travailler, mais vous trouverez des vieux au centre du campement», explique un quadragénaire qui s’apprête à quitter le parking. «Et surtout, ne craignez rien!» Les tuyaux d’arrosage serpentent autour des caravanes que des femmes nettoient, tandis que d’autres aèrent la literie.
Arrivés en mars en prévision d’un rassemblement évangélique pour Pâques, une partie des gens du voyage ont pu s’installer à Rennaz. Jacqueline, une matriarche du groupe, se dit contente d’être à Lausanne, mais regrette le manque de places disponibles en Suisse. «Les caravanes sont trop serrées, cela pose des problèmes de sécurité, avec l’électricité notamment. En France, d’où nous venons, il est plus simple de trouver des lieux de stationnement.»

Scolarisation compliquée

Celle qui a élevé cinq fils et une fille, plusieurs fois grand-mère, garde ce matin-là deux de ses petits-enfants. Comme souvent, dans ces communautés nomades, ces derniers n’ont que rarement l’occasion d’aller à l’école. Adèle Sutre*, géographe, souligne l’impact négatif des différentes réglementations nationales sur la scolarisation des enfants gitans: «pour rester dans la légalité, ces communautés peuvent rarement passer plusieurs mois au même endroit, et leur taux d’alphabétisation est souvent assez bas».
Jacqueline affirme toutefois que la situation est meilleure que par le passé: «maintenant les enfants apprennent tous à lire et à écrire, et peuvent s’instruire grâce à internet. Ils parlent aussi le romani», précise-t-elle en regardant son petit-fils en pyjama, absorbé par les dessins animés du matin. La sexagénaire à la longue chevelure noire regrette par ailleurs les a priori dont sa communauté est victime: «Nos hommes travaillent honnêtement, font des travaux d’entretien, de peinture, mais les gens ont peur de nous, pensent de mauvaises choses».

La méfiance domine

Les préjugés ont la vie dure et dans les rapports entre Gitans et sédentaires, la méfiance domine. Les berlines parfois très luxueuses des gens du voyage les rendent d’autant plus suspects, aux yeux des badauds. «On ne tire pas une caravane avec une Twingo!», fait remarquer Adèle Sutre.
«Ils sont perçus à tort comme des gens pauvres, sans ressources, qui ne travaillent pas, et la moindre des choses qu’ils possèdent est scrutée et soupçonnée de ne pas avoir été acquise honnêtement», observe la géographe. «Parmi les populations tsiganes, la diversité socio-économique est cependant la même que dans le reste de la population, on a des très riches et des très pauvres.»
Une partie des Gitans installés à la Bourdonnette prendront la route du sud de la France, d’ici fin mai, pour accomplir le pèlerinage annuel des Saintes-Marie-de-la-Mer. Jacqueline ne compte pas s’y rendre et prévoit de rester sur le parking relais jusqu’en juin. «La police et les représentants de la ville de Lausanne ont été cordiaux», assure-t-elle, même si le lieu n’est pas idéal.
Le nombre de sanitaires insuffisant pousse des hommes de la communauté à aller utiliser ceux de commerces et restaurants de la ville. Si les terrains aménagés en France sont plus propices à l’accueil des Gitans, selon la matriarche, la communauté ne compte pas cesser pour autant de passer par la Suisse.

Blocs de bétons

Samedi dernier, une trentaine de caravanes de Yéniches suisses se sont à leur tour installées derrière le parking de Bellerive, près de la jetée de la Compagnie. Suite à cet afflux, les aires de stationnements sont nombreuses à poser des blocs de béton à leur entrée, afin d’empêcher l’installation d’autres campements.
Du côté de la Police municipale de Lausanne, Sébastien Jost affirme que les choses se déroulent «globalement bien» depuis l’arrivée des gens du voyage. «Nous avons des contacts réguliers avec des membres de la communauté, et quelques interlocuteurs privilégiés lorsqu’il s’agit d’aborder des thématiques particulières», déclare le chargé de communication.

Fourgon de police brûlé

Aucun commentaire au sujet du fourgon de police brûlé dans la nuit du 10 au 11 avril, l’enquête n’étant pas close. Selon Jacqueline, qui craint les incendies, les Gitans, plus enclins à la maçonnerie qu’à la pyromanie, ne seraient pas impliqués.

* Adèle Sutre a écrit notamment Géopolitique des Tsiganes: Des façons d’être au monde entre circulations et ancrages (2021).

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