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Tourbillon mémoriel

Cette chronique littéraire a été écrite par une étudiante en Lettres de l’université de Genève, dans le cadre des ateliers d’écriture animés par Eleonore Devevey et Natacha Allet.
Tourbillon mémoriel
Récit 

«La lumière inonda l’écran blanc et vide. Le bout de la bobine tapota la machine bourdonnante. Puis, la lumière s’éteignit.» L’impression d’avoir enfin pu comprendre le cheminement d’une vie, juste avant que tout s’arrête: c’est le premier sentiment qui submerge le lecteur en refermant La Femme traversante de Chuang Hua, un texte qui bouleverse la chronologie, brouille les frontières entre narration et discours, et masque l’identité de certains personnages en utilisant exclusivement des pronoms pour les désigner.

Ce roman d’inspiration autobiographique, publié en 1968 et traduit en français pour la première fois, nous emmène dans la vie de Jane Quatre, membre d’une famille aisée de sept enfants, qui a immigré aux Etats-Unis pour fuir la Chine en guerre des années trente. Entrecoupé par la liaison transgressive de la jeune femme avec un journaliste à Paris, il interroge notre conception de l’identité. Dans un monde qui la pousse à revendiquer clairement sa nationalité, dans une famille qui lui impose une place prédéfinie, Jane cherche à se créer une existence propre.

Véritable fresque mémorielle, La Femme traversante oscille entre les Etats-Unis et Paris, les anniversaires et les enterrements, et s’impose par la force des sentiments qui lient ses personnages jusque dans l’opposition ou l’adversité. Si le lecteur doit finalement attendre «l’écran blanc et vide» pour saisir l’œuvre dans son ensemble, il lui suffit de prêter attention à une main serrée entre Jane et son père pour être transporté. Léa Pfister

Chuang Hua, La Femme traversante, traduit de l’anglais par Serge Chauvin, Zoé, 2023, 230 pp.

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