Édito

Dédiaboliser et criminaliser

Dédiaboliser et criminaliser
KEYSTONE
France

Les affrontements politiques, sur fond d’affrontements physiques, atteignent de nouveaux sommets en France. Depuis dimanche, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, entonne un petit air inquiétant. Il criminalise toute forme d’opposition.

La NUPES – l’alliance de la France insoumise, des Verts et du Parti socialiste – est accusée de «terrorisme intellectuel», de «tirer dans le dos des policiers» et d’être complice des islamistes. Avec une concentration des attaques sur la figure de Jean-Luc Mélenchon1.

On est face à une véritable criminalisation de l’opposition. Mercredi, Gérald Darmanin menaçait la Ligue des droits de l’homme, qui a le tort de documenter certaines violences policières! Une manière sans doute de tenter de masquer les dérapages des forces de l’ordre qui vont crescendo en France, qu’il s’agisse des gilets jaunes, du mouvement des retraites ou, tout récemment du mouvement de protestation contre le projet de mégabassines à Sainte-Soline.

Cette fuite en avant du pouvoir macroniste met surtout en évidence sa perte de contrôle de l’agenda politique. Et, surtout, cette diabolisation de la figure du grand méchant loup, Jean-Luc Mélenchon, est peut-être de bonne guerre (lui-même ne se refuse pas certaines outrances) mais elle a aussi un prix. Elle contribue à la légitimation de l’extrême droite. Un récent sondage de la Fondation Jean Jaurès montre que le Rassemblement national est le grand gagnant de la séquence des retraites. Le parti de Marine Le Pen gagne dix points et recueille désormais 26% des intentions de vote. Il est à la fois perçu comme sérieux et antisystème, selon les auteurs de cette étude, il apparaît comme ouvert au compromis alors que la France insoumise est ressentie comme trop radicale.

Emmanuel Macron a été élu par défaut, comme rempart contre la droite de la droite. Mais sa tactique contribue à légitimer et à asseoir l’implantation de cette dernière. Faut-il se faire à l’idée que la France sera bientôt gouvernée par l’héritière d’un parti fondé notamment par un ancien Waffen-SS? Si une telle catastrophe devait arriver, le locataire de l’Elysée et ses affidés en seront tenus pour responsables devant le tribunal de l’histoire.

1Un intéressant décryptage a été opéré sur TF1 dans l’émission Quotidien par le professeur de rhétorique Clément Viktorovitch: «Gérald Darmanin et sa ‘tactique de l’épouvantail’ anti-Nupes», lundi 3 avril.

 

Opinions Édito Philippe Bach France

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