Dangereuse normalisation du nucléaire militaire
Le numéro deux du Conseil de sécurité russe, Dmitri Medvedev, dans le langage fleuri qui est le sien, a menacé jeudi d’annihiler à coup de missiles les institutions allemandes. Auparavant, il avait évoqué l’anéantissement de la Cour pénale internationale. Le personnage n’est pas avare de dérapage de ce type. Mais cette escalade verbale est aussi le reflet d’une nucléarisation plus grande du monde. La Gazette nucléaire, organe du Groupement de scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire, une des principales sources indépendantes de veille sur l’état des centrales atomiques françaises, vient de publier un numéro consacré au nucléaire militaire1>«Quand le nucléaire ‘dit’ civil devient arme par destination», La Gazette nucléaire, publication du Groupement de scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire (Gsien), numéro double 298-299, janvier 2023. .
Avec un regard pointu sur les armes nucléaires dites «tactiques». Des bombes atomiques à faible puissance. Le B61-MODELE 12 sera bientôt stocké sur sol européen et mis à disposition des pays qui ont acheté des F-35. Ceux-là mêmes, soit dit en passant, que la Suisse entend acquérir. La puissance de ces engins de mort débute à 0,3 kilotonne. A titre de comparaison, la bombe lâchée sur Hiroshima étaient de 15 kilotonnes, soit cinquante fois plus puissante. Reste que cela représente tout de même une puissance dévastatrice de 300 tonnes de TNT!
Le risque de ces engins, c’est que leur utilisation devient «envisageable» sur un terrain de guerre. Avec ensuite le risque d’un emballement. Un tabou étant tombé, l’adversaire risque d’employer une arme similaire, un peu plus puissante, avec ensuite une surenchère – la bombe étasunienne évoquée peut d’ailleurs monter en puissance jusqu’à 100 kilotonnes – pouvant mener jusqu’à l’utilisation d’armes dites stratégiques où la puissance n’est plus en kilotonnes mais en mégatonnes! C’est-à-dire la destruction sinon de la vie sur Terre du moins de l’humanité.
En cela, les discours guerrier et la construction de rapports de force de ce type sont très risqués. Les laborieux efforts pour réduire les arsenaux nucléaires sont actuellement à l’arrêt. La Russie a suspendu sa participation au traité START visant à limiter les arsenaux nucléaires étasunien et russe. Ce n’est pas un hasard si l’horloge de l’apocalypse, gérée par les homologues étasuniens du Gsien, a été avancée de dix seconde. Il est désormais minuit moins 90 secondes. Et ce n’est pas le passage à l’heure d’été de ce week-end qui permettra d’y remédier.
Notes