Édito

Coupable attentisme

Coupable attentisme
La puissance dévastatrice des armes nucléaires dépasse la capacité d’entendement humain. KEYSTONE
Armes nucléaires

Depuis ce vendredi, les armes atomiques deviennent illégales! Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) entre en effet en vigueur ce jour même. Une bonne nouvelle, tant l’obscénité de ces armes, dont la puissance dévastatrice dépasse la capacité d’entendement humain, est flagrante. Certes, ce traité ne s’applique qu’aux pays qui l’ont signé et ratifié. Et, on s’en doute, les puissances détentrices du feu nucléaire ne l’ont pas fait. Ce qui ne le rend pas inopérant, toutefois.

Le signal donné par la communauté internationale met des bâtons dans les roues de cette industrie de la mort. Il délégitime ce type d’armement et marginalise les pays prétendant s’abriter sous ce douteux parapluie nucléaire. Il ouvre la voie à des actions citoyennes – comme sur le climat – pour bloquer l’accès au crédit des industries participant à cette industrie.

On l’aura compris, ce type de traité s’inscrit dans la durée. Ce qui rend d’autant plus délicate la position de la Suisse. Si celle-ci a activement participé à la négociation du TIAN sous la houlette de l’ex-ministre Micheline Calmy-Rey, elle se refuse aujourd’hui à le ratifier. Et Ignazio Cassis ne compte manifestement pas changer d’avis, comme nous le confirme le conseiller aux Etats PS Carlo Sommaruga qui a relancé l’Exécutif fédéral fin décembre sur cette question. Une posture attentiste incompréhensible. D’autant que les deux Chambres ont au contraire demandé aux autorités fédérales de souscrire à ce traité.

Les excuses invoquées par l’actuel conseiller fédéral chargé du dossier fleurent bon la langue de bois, voire frisent la malhonnête intellectuelle. Une adhésion serait une flèche dans le flanc de la neutralité suisse. On se demande pourquoi les autres pays neutres – à l’instar de l’Autriche – l’ont signé. Et invoquer comme voie médiane sa préférence pour le Traité dit de non-prolifération comme il le fait n’est rien d’autre qu’un alignement servile sur la position étasunienne.

En l’occurrence, ce dernier traité n’a nullement freiné le développement de l’armement nucléaire. Pis. Les Etats-Unis ont au contraire mis le doigt dans un dangereux engrenage en lançant des programmes dits «mini-nukes», des armes particulièrement redoutables car pouvant entraîner, via un processus d’escalade, le déchaînement annihilant des armes de destruction massive.

Comme dans tout processus, il convient donc de maintenir la pression sur les autorités fédérales pour qu’elles sortent de leur vision schizophrène: elles revendiquent de se placer sous le parapluie nucléaire de l’Otan, tout en demandant des moyens considérables – avions de chasses, obusiers, etc. – pour une défense territoriale autonome. Qui a parlé de double langage?

Opinions Suisse Édito Philippe Bach Armes nucléaires

Autour de l'article

Connexion