Retraites: des millions envolés
Avoir des actions à Credit Suisse était presque une évidence pour les caisses de pension suisses. Le rachat de la banque aura des conséquences sur les fonds de prévoyance. Fin février, ces organismes détenaient 650 millions de francs d’actions Credit Suisse, selon les calculs de la fondation Ethos, qui représente les intérêts de 220 caisses de pension et fondations d’utilité publique.
«On peut donc estimer qu’elles ont perdu près de 450 millions de francs dans l’affaire depuis fin février», indique Vincent Kaufmann, directeur d’Ethos. Cette perte est toutefois relative, par rapport à la masse des actions détenues par les caisses de pension: 120 milliards d’actions suisses à la fin 2021.
Quelles sont les caisses concernées? «Toutes celles qui investissent via des fonds passifs ainsi que celles qui font de la gestion active mais n’avaient pas exclu Credit Suisse de leurs investissements. Soit la grande majorité des caisses de pension suisses», précise Vincent Kaufmann.
Ethos a également fait part de ses inquiétudes quant aux «risques que représente une position dominante d’une seule grande banque sur le marché suisse» et annoncé étudier des options «y compris juridiques», pour déterminer les responsabilités de la débâcle.
«Volatilité du titre»
Parmi les caisses, la vaudoise Retraites Populaires indique qu’elle détenait 2,5 millions de francs en actions Credit Suisse au moment de la clôture de la bourse le 17 mars. A la suite du rachat par UBS, la perte est estimée à 1,5 million de francs. «Les actions Credit Suisse représentaient 0,58% de notre portefeuille ‘actions suisses grandes capitalisations’», indique Jean-Christophe Van Tilborgh, directeur de la division investissements aux Retraites Populaires.
La masse sous gestion de Retraites Populaires s’élève à 8,3 milliards de francs au total, immobilier compris. Quels sont les risques pour les actions UBS? «Il est difficile d’estimer les moins-values ou plus-values potentielles au regard de l’émotion ressentie sur les marchés et des nombreuses incertitudes qui demeurent», estime Jean-Christophe Van Tilborgh.
La Caisse de pension de l’Etat de Genève (CPEG) ne dévoile pour sa part aucun chiffre et se borne à indiquer qu’elle détient des actions Credit Suisse dans des portefeuilles gérés de manière indicielle. «Nous subissons comme l’ensemble des investisseurs la volatilité du titre. Toutefois, comme investisseur à long terme, tant que nous ne nous séparons pas de ces titres, les pertes ne sont pas matérialisées», fait savoir Alessia Torricelli, directrice financière.
Des caisses ont anticipé
De son côté, la Caisse fédérale de pension Publica affirme que ses pertes sur les actions Credit Suisse sont faibles. «Elles s’élèvent à près de 2,5 millions de francs, soit seulement 0,006% de notre fortune», précise Beatrice Rychen, cheffe de la communication à Publica. La caisse avait déjà pris des mesures, à la suite des scandales financiers impliquant Credit Suisse. En novembre dernier, elle avait réduit son volume de prêts de titres, «de 85 millions de francs à près de zéro», affirme-t-elle par communiqué.
Au même moment, elle avait également soldé son compte des liquidités. Depuis 2016, Publica avait refusé de donner décharge au conseil d’administration. «Compte tenu des nombreux scandales, notre comité de placement a décidé en 2021 d’engager un dialogue direct sur le thème de l’amélioration de la culture d’entreprise», écrit la caisse. Deux réunions avec les cadres dirigeants ont eu lieu en 2022, une troisième était prévue en 2023.
La fondation Ethos a également dénoncé à maintes reprises les problèmes de gouvernance de Credit Suisse, à la suite des scandales financiers. Depuis 2014, elle recommandait à ses membres de refuser la décharge au Conseil d’administration et demandait à la banque que son approche soit davantage centrée sur la gestion des risques. Les caisses de pension membres de la Fondation Ethos représentaient 3% à 5% de l’actionnariat de Credit Suisse.
La diversification des portefeuilles des caisses de pension a permis de limiter les pertes. Sandro Leuenberger, expert de la place financière à l’Alliance climatique, juge que la disparition de Credit Suisse aura un impact plus important sur les futurs coûts de gestion et d’administration. Les caisses de pension utilisent en effet les services des banques, pour la gestion de leur fortune.
Le marché se partageait largement entre Credit Suisse, UBS, et, dans une moindre mesure, la Banque cantonale zurichoise. «On arrive maintenant dans une situation de quasi monopole, où UBS pourra imposer ses prix», craint Sandro Leuenberger.