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Une ville, c’est plus qu’un écran de smartphone…

L’IMPOLIGRAPHE

On a parlé mercredi dernier, au Conseil municipal de la Ville de Genève, du rapport entre les services publics communaux et la population de la commune. On en a évidemment parlé parce que nous sommes le délibératif communal (et que nous parlons beaucoup) mais aussi parce qu’en Suisse, en tout cas lorsqu’il s’agit de villes, et en tout cas lors qu’il s’agit de la commune de Genève, la Ville est le niveau institutionnel qui a le mieux garanti la permanence de services publics en ces temps de privatisations et de sous-traitances triomphantes ou sournoises. C’est par les services qu’elle rend que se justifie la commune. On parle bien ici de services publics, parce que seuls des services publics peuvent fournir un service au public sans attente de profit. Nous attendons de la commune ce que elle seule peut offrir sans appareil de contrainte – ce que les vieux socialistes résumaient en une formule: «Passer du gouvernement des hommes à l’administration des choses.»

Par définition, la commune est le service public en actes: n’étant pas fauteuse de lois, sa seule légitimité politique est celle de la mise à disposition de services, de la concrétisation de droits fondamentaux, de la matérialisation des promesses politiques d’être «au service de la population» – à commencer par celle qui a besoin de ce service parce qu’elle n’a pas les moyens de s’en passer. La commune est le service public, parce qu’elle n’est rien d’autre – sauf à se nier en tant que commune.

Reste que ce service public doit être accessible au public, à tout le public. Or le développement de l’administration par internet porte en lui le risque d’un renoncement aux possibilités de s’adresser aux services de la Ville, aux administrations et aux institutions municipales en s’adressant à de vraies personnes, et pas à des écrans d’ordinateurs ou de téléphones portables. L’e-administration était, au départ, une offre supplémentaire aux habitant·es d’accès aux services publics, elle risque aujourd’hui de substituer un accès informatique à un accès physique, et donc de réduire les possibilités offertes aux habitantes et aux habitants de s’adresser à des personnes vivantes et présentes. Cette réduction des possibilités de contact entre la population et les services et employé·es de la Ville handicape particulièrement la part de population éloignée de l’écrit ou rétive à l’informatique. Elle affaiblit le lien social qui est par définition un lien entre individus, non entre machines. Elle éloigne l’une de l’autre la commune et sa population en réduisant la première à un écran d’ordinateur.

Il nous est donc paru urgent de remettre en cause une évolution qui aboutit à remplacer les contacts humains et sociaux par des échanges d’algorithmes, et nous avons déposé une motion au Conseil municipal, demandant de ne pas réduire les possibilités offertes aux habitantes et aux habitants sans distinction d’âge, de formation, d’état physique, de langue, de maîtrise de la lecture et de l’informatique, de s’adresser oralement aux services de la Ville, aux administrations et institutions municipales, de les questionner et d’obtenir d’eux des réponses et des accès à des prestations. Nous demandons à la Ville de ne pas sacrifier ces possibilités au développement de l’e-administration, et donc, pour le moins, de maintenir les permanences téléphoniques et les guichets présentiels. La majorité du Conseil municipal (la droite et les Verts, contre la gauche) a refusé de voter cette motion «sur le siège», mercredi, et l’a renvoyée sans débat en commission (en tordant au passage le règlement du Conseil qui impose un débat de préconsultation). Soit. C’est toujours un plaisir d’entendre l’exécutif (de gauche) en commission, mais il en va de ce plaisir comme de tous les autres: répétitifs, ils deviennent des manies.

Ce n’est pas grand-chose, une motion: juste une demande faite à la Municipalité de nous dire si elle veut, comme nous l’attendons d’elle, que la Ville continue à offrir à ses habitant·es la possibilité d’avoir en face d’eux, quand ils et elles s’adressent à elle, quelqu’un et pas quelque chose… On aurait pu dire, mercredi dernier, que pour son parlement, une ville, c’est tout de même un peu plus qu’un écran de smartphone ou d’ordinateur… On aurait pu… Le vote de la droite et des Verts en a décidé autrement. Il est sans doute pour elle et eux urgent d’attendre que le service au public ait disparu pour le défendre.

Dire que ça nous étonne serait tenter de passer pour plus naïfs qu’on est.

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lundi 8 janvier 2018

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