Hommage à Mike Ben Peter
Cinq ans se sont écoulés depuis la mort de Mike Ben Peter dans le cadre d’une interpellation policière, et justice n’a toujours pas été rendue. Tel était le message que sont venus porter quelque cent cinquante manifestant·es mercredi soir, à Lausanne.
Dans la nuit du 28 février au 1er mars 2018, le ressortissant du Nigéria avait été appréhendé violemment par la police municipale dans le cadre d’une intervention pour stupéfiants. Un cas typique de violences policières à caractère raciste, selon les différents collectifs ayant appelé à lui rendre hommage avant un procès pour homicide par négligence, qui se déroulera en juin.
Six agents devant la justice
«Sans lutte et manifestation, qui aurait relaté une autre réalité que la police et les médias?», a scandé une oratrice lors d’un rassemblement qui a débuté en fin d’après-midi sur la place de la Riponne, avant de partir en cortège peu après 18h.
Direction l’avenue Sainte-Luce, au-dessus de la gare, où le quadragénaire avait subit des coups, du spray au poivre et un plaquage ventral de la police, avant d’être amené au CHUV en arrêt cardiorespiratoire. Son cœur lâchera dans la matinée suivante. «Des histoires qui foutent la rage contre la police», pouvait-on entendre dans la foule mercredi soir.
Celle-ci manifestait en mémoire de Mike Ben Peter, «mais aussi parce que seule la mobilisation, y compris la pression de la rue, a permis à ce que l’affaire ne soit pas classée sans suite», relatait l’un des organisateurs, membre du collectif Kiboko, composé de personnes concerné·es par le racisme et la précarité ainsi que de personnes solidaires.
Car après cinq ans d’investigations à rebondissements, les déterminations de l’acte d’accusation avaient été révélées par 24 heures en janvier dernier: les six agents passeront devant la justice en juin, pour homicide par négligence. Malgré le soulagement exprimé par plusieurs militant·es avec la tenue de ce procès, une «justice retardée est une justice refusée» a martelé un autre au mégaphone.
Homicide par négligence
Pour l’avocat de la famille, Maître Simon Ntah, «ce n’était pas une certitude qu’un procès ait lieu, il faut donc s’en réjouir». L’homme de loi s’étonne toutefois que l’homicide intentionnel par dol éventuel n’ait pas été retenu par le Ministère public. Cette qualification sanctionne «la faute de celui qui prend délibérément le risque de causer un dommage à autrui sans pour autant avoir voulu que le résultat dommageable se produise», accusation plus lourde que la simple négligence.
Le dossier du parquet décrivant «de manière précise les violences qui ont eu lieu, cette accusation plus grave aurait dû être retenue», avance Me Simon Ntah. «En vingt ans de carrière, je n’ai pas le souvenir que lorsque plusieurs personnes se sont acharnées sur une seule, il n’ait été retenu que la négligence, ça heurte ne serait-ce que le sens commun», continue l’avocat.
La défense plaidera l’acquittement
Au cœur de l’évaluation de la responsabilité des policiers: le degré de dangerosité de la technique du plaquage ventral, une pratique d’immobilisation décriée. Des expertises médico-légales n’avaient pu faire un lien de cause à effet entre celle-ci et la mort de Mike Ben Peter, citant plutôt une cause multifactorielle.
«Il serait inacceptable que la justice s’en tienne à cela sans mettre en cause l’intervention des policiers et le plaquage», nous disait un membre de Kiboko peu avant la manifestation. «Ils retiennent le poids, l’état cardiaque ou le stress comme facteurs équivalents et qui pourraient dédouaner les policiers. Pourtant, le fait que les personnes vulnérables meurent devrait être inacceptable», ajoutait le militant.
Et Me Simon Ntah d’ajouter «serait-il mort sans spray, coups – y compris dans les parties génitales –, maintien au sol par plaquage ventral, et cela alors qu’il n’avait pas été violent?» Autant de questions que l’avocat a portées à l’attention des juges en vue du procès, indique-t-il, espérant que l’accusation puisse être requalifiée dès l’ouverture des débats de juin. La défense, elle, se dit également «soulagée que le procès ait enfin lieu», nous indique sa consœur Me Odile Pelet.
Elle plaidera l’acquittement «notamment sur la base des expertises médico-légales», en contestant toute faute des policiers. Une «négation de la réalité qui ne rend pas compte de la brutalité délibérée», selon les militant·es, qui resteront mobilisé·es pour faire entendre cette voix.