Édito

Femmes: du concret maintenant

Femmes: du concret maintenant
Un syndicat genevois a retracé le parcours de la combattante d’une employée licenciée à son retour de maternité. KEYSTONE
Féminisme

Nous étions des centaines de milliers dans les rues de Suisse, le 14 juin 2019. Peut-être serons-nous autant, dans quelques mois, pour la nouvelle grève féministe qui s’annonce. Pour quel résultat? Rien de notable, hormis celui d’avoir égrené le champ des colères et partagé le plaisir de se retrouver et se compter. Or, avec une telle mobilisation, il serait possible de créer une organisation de masse à même de défendre les femmes au quotidien. Mais aussi de récolter le jour J des signatures pour une, voire plusieurs initiatives fédérales, et ce en moins de 24 heures. Un tour de force inédit qui permettrait de peser politiquement et au peuple de se prononcer. En cas de réussite, cela obligerait les autorités, et par ricochet les employeurs, à faire cesser certaines discriminations.

Ce lundi, un syndicat genevois a retracé le parcours de la combattante d’une employée licenciée à son retour de maternité. Un classique. La loi protège les femmes enceintes durant leur grossesse et seize semaines après leur accouchement. En théorie du moins. Dans les faits, les licenciements sont fréquents durant cette période et surtout juste après. Le phénomène reste difficilement quantifiable – la Suisse a les statistiques qu’elle veut bien avoir – mais, selon une estimation prudente du bureau d’études de politique du travail et de politique sociale BASS, au moins 3,2% des femmes seraient remerciées après leur congé maternité, soit 2500 femmes chaque année en Suisse. En tenant compte de toutes celles qui sont poussées vers la sortie, ce pourcentage pourrait s’élever à 10, voire 20%.

La procédure pour faire reconnaître le préjudice subi est longue et pénible, parfois coûteuse. Dans les faits, la plupart des femmes renoncent à se battre, d’autant que la période post-partum n’est pas franchement la plus propice à cet égard. Celles qui trouvent le courage de le faire obtiennent, au maximum, six mois de salaire en guise d’indemnités. Mais elles ont définitivement perdu leur emploi, parfois leur estime de soi.

La majorité aux Chambres et du Conseil fédéral ont jusqu’ici fait preuve d’un attentisme coupable, comptant sur le bon vouloir des entreprises, et ce malgré plusieurs initiatives parlementaires émanant de la gauche visant à améliorer la situation en rallongeant le délai de protection et en rendant les sanctions plus dissuasives.

Il reste quatre mois pour relever le défi. Sur ce sujet comme sur d’autres – allonger le congé maternité, notoirement insuffisant, ou prévoir un vrai congé parental, notamment – puissent les assemblées citoyennes préparant la grève féministe s’emparer de ces questions, s’émanciper des agendas des syndicats et partis de gauche, et profiter de la mobilisation à venir pour lancer une, voire plusieurs initiatives aux effet concrets. Pour, qu’enfin, les lignes de crêtes bougent.

Opinions Édito Christiane Pasteur Féminisme

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