Le Mormont devra être restauré
C’est une «semi-victoire», pour les défenseurs de la nature. Dans un arrêt rendu en fin d’année dernière, le Tribunal fédéral (TF) permet au cimentier Holcim d’étendre sa carrière du Mormont, a-t-on appris hier. Mais il exige que celle-ci soit comblée à l’issue de son exploitation. Si la plus haute autorité judiciaire reconnaît la valeur du site, qui devra donc être restauré, elle indique néanmoins que c’est l’intérêt public de la production de ciment qui doit l’emporter.
Le ciment prime
«C’est une semi-victoire, mais aussi une semi-défaite, car le TF a décidé d’attribuer à la production du ciment un intérêt national supérieur à celui, aussi national, de la protection du paysage», déclare Michel Bongard, secrétaire général de Pro Natura Vaud. L’instance judiciaire répondait à un recours déposé par cette organisation, accompagnée par Helvetia Nostra et l’Association pour la sauvegarde du Mormont.
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Dans un arrêt rendu le 21 décembre dernier, la Haute Cour admet partiellement leurs griefs contre l’extension de la carrière du Mormont, entre Eclépens et La Sarraz, au nom de la valeur écologique du site. Ils ne sont pas les seuls à s’opposer au cimentier: on se souvient aussi que la colline avait été, d’octobre 2020 à l’évacuation policière de mars 2021, le théâtre de la première Zone à défendre (ZAD) de Suisse, en étant occupée par des écologistes militant contre la fabrication de béton.
Comblement à prévoir
A l’époque, ils n’étaient pas arrivés à leur but. Aujourd’hui, les ONG se félicitent: «Le permis d’exploiter ne peut ainsi pas être délivré en l’état», indiquent-elles. Si le cimentier veut étendre sur le plateau de la Birette sa carrière de calcaire exploitée depuis 1953, il devra dorénavant en prévoir le comblement. «Une très bonne chose: il faut désormais accélérer les garanties à apporter dans ce sens», commente le conseiller d’Etat vert Vassilis Venizelos, chef du Département de l’environnement. Notant que la consommation annuelle de ciment s’élevait à près de 500 kilos par habitant en 2017 et le Mormont couvrant 20% des besoins nationaux, le TF a en effet jugé que si un arrêt du site n’était pas envisageable, une telle solution postérieure pouvait en revanche restaurer la valeur arguée par les opposants à Holcim.
«Quel sera le délai nécessaire au comblement de la fosse? Plus de 100 ans?» Michel Bongard
Contactée, l’entreprise, qui précisait par communiqué «avoir toujours été ouverte à cette solution», se dit satisfaite de cette décision. Chargé de la communication de la multinationale, Arthur Got rappelle que «l’objectif est de faire perdurer ce gisement le plus longtemps possible, notamment grâce à des projets d’économie circulaire qui permettent d’économiser l’extraction de matières premières.»
Il indique que ces chantiers, qu’Holcim souhaite axés sur la décarbonation, étaient suspendus, en attente de cette décision de justice. Dorénavant, «les détails de l’opération de comblement seront déterminés dans le cadre de ce projet», explique Arthur Got. Si des études dans ce sens sont déjà en cours, le ministre Vassilis Venizelos ajoute que «cela nécessite encore beaucoup de travail d’élaboration: il est difficile de dire combien de temps cela prendra.»
Votation populaire en vue
Pour Michel Bongard, «la fosse d’extraction sera si gigantesque que nous sommes très curieux de connaître la manière dont ce comblement sera effectué et comment la remise en état sera faite pour que le paysage retrouve sa valeur et que la faune et la flore puissent y retrouver leurs habitats.» Et d’ironiser sur «le délai nécessaire au comblement, plus de 100 ans?» En attendant que les garanties soient apportées sur ces questions, Holcim dispose de réserves sur les sites déjà ouverts sur le Mormont et sa production ne dépend pas de l’exploitation immédiate du plateau de la Birette, précise Vassilis Venizelos.
Autre pan du dossier, l’initiative populaire «Sauvons le Mormont» a abouti en juin dernier et devra être discutée au Grand Conseil. Le texte porté part les Verts et leurs alliés entend faire du lieu un site protégé et contraindre les collectivités publiques à utiliser d’autres matériaux que le ciment. L’opportunité de lui opposer un contre-projet n’a pas encore été débattue par le collège gouvernemental, indique le ministre de l’Environnement. Vassilis Venizelos précise toutefois que même approuvée, l’initiative ne remettrait pas en cause l’exploitation du plateau de la Birette, désormais autorisée par la justice.