Édito

Démocratie en échec

DÉMOCRATIE EN ÉCHEC
L'avocate Dina Boluarte après avoir prêté serment en tant que nouvelle présidente du Pérou à Lima, le 7 décembre 2022. KEYSTONE
Pérou

Ses adversaires parlent du «coup d’Etat» le plus court de l’histoire, avec ce même rictus méprisant qu’ils et elles ont affiché lorsque cet instituteur rural est arrivé, il y a un an et demi, à la présidence du Pérou. Quelques heures ont suffi en effet mercredi pour que le décret de dissolution du Congrès péruvien, dominé par le camp conservateur, et la constitution d’un «gouvernement d’exception» s’achève par l’arrestation de leur instigateur, le président Pedro Castillo. Ne respectant pas pleinement, selon la plupart des expert·es, la Constitution, cette dissolution devait en principe déjouer une tentative de destitution parlementaire de l’ancien syndicaliste. Mais trente ans après le coup de force similaire réussi par Alberto Fujimori, le président de gauche n’a pu, lui, s’appuyer ni sur les forces de l’ordre ni sur d’hypothétiques manifestations populaires ni même sur le soutien de la plupart de ses ministres.

Il serait tentant de voir dans l’échec de ce coup de force une victoire de la démocratie. On en est loin. Porté au pouvoir par les populations appauvries des confins péruviens, Pedro Castillo n’a au final jamais pu exercer. Piètre stratège, trop longtemps attentiste avant de se laisser soudainement tenter par l’aventure, l’ex-instit a échoué à représenter celles et ceux qui lui avaient confié leurs espoirs. Sans alliés institutionnels fiables, il ne pouvait que se briser sur le vieux pouvoir oligarchique. Les vainqueurs, aujourd’hui, sont ceux qui se sont appuyé sur ce parlement clientéliste pour bloquer le pays pendant un an et demi. Pas les démocrates.

Ces derniers auraient peut-être eu intérêt à voir le projet de Pedro Castillo d’une Assemblée nationale avec des pouvoirs constituants se réaliser, histoire de réformer un système inepte. Comme quoi, la réalité est parfois plus complexe qu’on le voudrait.

Pour l’heure, c’est l’avocate progressiste et ex-vice présidente Dina Boluarte, qui a repris les rênes de l’exécutif. On doute toutefois qu’elle parvienne mieux que M. Castillo à appliquer le programme social sur lequel, elle aussi, a été élue en juin 2021 pour cinq ans.

Et pendant ce temps-là, l’extrême droite péruvienne prépare tranquillement la suite. Sous l’impulsion notamment du richissime Rafael López Aliaga, le «Bolsonaro péruvien», troisième de la dernière présidentielle et tout juste élu maire de la capitale Lima.

Opinions International Édito Benito Perez Pérou

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