Édito

Gaz sale et hypocrisie suisse

Les œuvres d'entraide exigent la justice climatique
KEYSTONE
Pollution

Du gaz sale financé depuis la Suisse. Plusieurs délégué·es autochtones du Mexique et du Texas ont pris leur bâton de pèlerin et fait du lobbying en Suisse. En lutte contre un projet de gazoduc lié à un programme de fracking, une forme d’extraction du gaz naturel extrêmement polluante, ils et elles dénoncent le fait que ces entreprises sont financées par des banques suisses, dont la Banque nationale (BNS).

Un peu gênant en ces temps de COP 27. Un rapport des Artisans de la transition avait déjà mis en évidence cette appétence pour les énergies fossiles de l’établissement national suisse. Lors de la publication de ce rapport en 2016 – rendue possibles par des législations étasuniennes de transparence des entités cotées en bourse – quelque 6,6 milliards de francs suisses étaient investis dans l’industrie fossile au pays de l’Oncle Sam.

La BNS semble aveugle au risque climatique. Les émissions de CO2 causées par des sociétés où elle possède des parts représentent 43 millions de tonnes de gaz carbonique. Cela double quasiment l’empreinte carbone de notre pays. Si on tient compte de cette pollution exportée, la Suisse passe du 70e en rang en matière d’exportation de gaz à effet de serre… au 7e! Il s’agit évidemment d’un signal désastreux. En mains publiques, la BNS a été interpellée ce printemps par plusieurs de ses actionnaires, dont le canton de Vaud et, dans une moindre mesure, celui de Genève. Sa réaction fleurait bon la langue de bois. Interpellée par Le Courrier ce jeudi à la suite de l’action des militant·es climatiques opposé·es à ce projet de fracking, sa réponse montre que rien n’a changé. L’établissement explique s’abstenir d’acquérir des actions ou des obligations d’entreprises dont les activités «transgressent de manière flagrante des valeurs largement reconnues par la société».

On se demande au nom de quel raisonnement la crise climatique n’en fait pas partie. Il faut dire que le Conseil fédéral lui laisse quartier libre ou presque. Le 26 octobre dernier, le gouvernement suisse a adopté un rapport pour le moins inquiétant: la mission de la BNS est d’assurer la stabilité des prix. Elle prend en considération les questions climatiques et environnementales «dès lors qu’ils affectent la stabilité des prix et la stabilité financière ou qu’il comportent des risques financiers pour ses activités».

Bref, circulez, il n’y a rien à voir. La maison brûle mais pas question d’agir. Mais à trop laisser la bride sur le cou, on a un cheval fou qui s’est emballé. La chute sera douloureuse.

Opinions Édito Philippe Bach Pollution

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