Édito

L’art et la soupe

L’art et la soupe
Les tournesols de Van Gogh n'ont pas été touchés par la soupe, car ils étaient protégés par une vitre, un choix délibéré des militant·es. KEYSTONE
Climat

La scène se répète depuis fin juin: en duo, des jeunes activistes s’en prennent à des toiles aussi connues que cotées, dans les espaces feutrés de grands musées européens. Des actions incluant soupe, purée ou mains encollées, pour dénoncer la myopie ambiante quant à la catastrophe climatique. Le dernier épisode en date est celui du Musée Barberini de Potsdam, où la cible était dimanche un Monet acheté 111 millions de dollars.

Lorsqu’ils évoquent ces actions, la plupart des médias relèguent en milieu d’article une information pourtant cruciale: jusqu’ici, toutes les œuvres attaquées étaient protégées par une vitre, un choix délibéré des militant·es. Ainsi, la soupe utilisée le 14 octobre à la National Gallery de Londres, presque un hommage à Warhol et ses potages Campbell, n’a pas touché les tournesols de Van Gogh. Idem pour la purée contre le Monet, qui aura dégouliné en épargnant Les Meules. Camoufler cette donnée équivaut à mentionner le saut d’une personne depuis l’IC Genève-Saint-Gall sans préciser que c’était à l’arrêt en gare.

Des actions médiatiques mais pas iconoclastes, donc – on est très loin des talibans détruisant les bouddhas de Bâmiyân. Ces opérations sont-elles utiles à la cause climatique? Dur à dire. Elles se distinguent certainement des happenings ayant ciblé certains sponsors de musées, des deux côtés de l’Atlantique, pour leur manque de durabilité ou d’éthique, avec plusieurs succès à la clé.

En réinventant les actions médiatiques des vétéran·es de Greenpeace, les organisations comme Extinction Rebellion, Just Stop Oil ou Renovate Switzerland canalisent en tout cas le profond désarroi d’une génération dont le devenir est sur la sellette. Aussi soulignent-elles que si le futur des plus jeunes est sacrifié, celui des œuvres du patrimoine mondial le sera aussi – non, l’art des musées ne survivra pas à la disparition de l’humanité. Pour la plupart des personnes criant à l’hérésie devant une vitre ensoupée, cette donnée semble loin d’être intégrée. Alors, qui sont les véritables iconoclastes?

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