Le sortant Van der Bellen réélu
Dimanche, les Autrichiens étaient appelés aux urnes pour l’élection présidentielle. Le sortant Alexander Van der Bellen a été réélu au premier tour. D’ordinaire d’une nature réservée, il a laissé paraître sa joie après la lecture des résultats partiels avec 54,6% des suffrages, dans l’attente du dépouillement des votes par correspondance. Il y a six ans, il avait fallu trois tours de scrutin – le deuxième ayant été annulé – pour que Van der Bellen s’impose face à Norbert Hofer, candidat du FPÖ, le parti d’extrême droite autrichien.
«Il est perçu comme quelqu’un de sérieux et d’intègre» Julia Partheymüller
A 78 ans, cet écologiste, ancien professeur d’économie, va donc entamer un second mandat. Celui qui se présente volontiers comme un «enfant de réfugiés», sa mère estonienne et son père russe ayant fui l’Union Soviétique en 1941, jouit d’une grande popularité en Autriche, à tel point que la plupart des partis avaient renoncé à présenter un candidat contre lui. «Il est perçu comme quelqu’un de sérieux, d’intègre, de fiable face à d’autres candidats qui ont une image plus radicale. C’est certainement un aspect qui a joué en sa faveur dans cette campagne» décrypte Julia Partheymüller, politologue à l’Université de Vienne.
Crises politiques
Une stature acquise ces six dernières années dans l’exercice d’un mandat traversé par les crises politiques. La plus retentissante reste sans nul doute celle de «l’Ibizagate». En 2019, alors que l’Autriche est dirigée par une coalition entre les conservateurs de l’ÖVP et le FPÖ, une vidéo est publiée par des journaux allemands. On y voit Heinz-Christian Strache, alors vice-chancelier et chef du FPÖ, promettre des marchés publics à une femme qu’il pense être la nièce d’un oligarque russe, en échange d’un soutien électoral. Ce scandale de corruption provoque la chute de la coalition, puis la mise en place d’un gouvernement d’experts pour assurer la transition vers de nouvelles élections. Dans cette période d’agitation intense, Alexander Van der Bellen s’adresse aux Autrichiens d’une voix calme, rappelle la solidité de la Constitution qui permet de faire face à de telles éventualités et rassure ainsi le pays. Une attitude qu’il adopte de nouveau deux ans plus tard, quand une nouvelle affaire de corruption entraîne la démission du jeune chancelier conservateur Sebastian Kurz.
Il s’exprime peu
Durant son premier mandat, Alexander Van der Bellen est toujours resté en retrait de la politique quotidienne, s’exprimant peu et faisant sienne la doctrine autrichienne d’un président au rôle essentiellement protocolaire. Une attitude qui lui a parfois été reprochée par son propre camp, notamment lors du passage au gouvernement de l’extrême droite: «Sur le papier, le président autrichien a beaucoup de pouvoirs: il peut révoquer le gouvernement, en nommer un autre, il représente le pays à l’étranger. Mais en pratique, il n’utilise normalement pas ces pouvoirs. […] Cela ne signifie pas pour autant que ce sera toujours le cas: Van der Bellen a interprété la fonction de cette manière mais d’autres pourraient être tentés d’adopter un rôle plus actif», analyse Julia Partheymüller. «Chez une partie des jeunes urbains que l’on retrouve souvent dans l’électorat écologiste, il y a une certaine insatisfaction.»
La victoire sans appel dimanche de Van der Bellen sur son principal opposant, Walter Rosenkranz, candidat du FPÖ, ne doit toutefois pas être interprétée comme la disparition de l’extrême droite. Suite à l’Ibizagate, le FPÖ s’est doté d’une nouvelle direction et a su séduire les électeurs déçus par son passage au gouvernement, notamment à la faveur de la crise du Covid, où le parti a incarné l’opposition aux mesures sanitaires et au très impopulaire projet de vaccination obligatoire, finalement abandonné. Une posture qui lui a permis de renouer avec son image de parti contestataire et antiélites. Aujourd’hui à plus de 20% dans les sondages, le FPÖ est au coude-à-coude avec les conservateurs. Les élections législatives, prévues pour 2024, pourraient présenter l’image d’un pays bien plus fragmenté que ce que laissent voir les résultats de dimanche soir. LA LIBERTÉ