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La contre-révolution tranquille

La contre-révolution tranquille
François Legault a facilement imposé son cocktail de conservatisme économique et de populisme identitaire. KEYSTONE
Québec

Le peuple québécois a poursuivi lundi son virage à droite, plébiscitant dans les urnes la Coalition Avenir Québec (CAQ) de François Legault. Malgré une campagne en demi-teinte, le premier ministre de la province canadienne a facilement imposé son cocktail de conservatisme économique et de populisme identitaire. Son parti gagne près de quatre points à 41% malgré la poussée du Parti conservateur, qui passe en quatre ans de l’anonymat à presque 13% des voix, sur un socle programmatique relativement proche (antisocial, antimigrants, anti-voile) si ce n’est sur la question du français.

Après un mandat où le gouvernement aura superbement ignoré les enjeux sociaux et environnementaux, de même que la crise des services publics, il est significatif de voir les partis plus progressistes reculer. C’est le cas au centre du Parti libéral de Justin Trudeau qui s’effondre de 24,8% à 14,4% des voix.

Le Parti québécois (PQ, souverainiste), lui, résiste mieux en suffrages exprimés (de 17,1% à 14,6%) mais perd les deux tiers de sa députation. Jamais le parti emblème de la «Révolution tranquille», qui contribua à moderniser le Québec, à le doter de services publics et à le libérer de l’emprise conjointe de la hiérarchie catholique et du capital anglophone, n’avait touché pareil fond. Un seuil symptomatique d’un projet national en berne mais également de sa récupération par les discours chauvins de la CAQ.

Plus à gauche, le tableau n’est guère plus reluisant. Québec Solidaire gagne un onzième siège mais perd plusieurs dizaines de milliers de voix (de 16,1% à 15,4%). Le mouvement progressiste et souverainiste peine toujours à s’ancrer hors du centre-ville de Québec, de Sherbrooke ou de l’île montréalaise. Malgré un contexte de croissance et de plein emploi, son discours d’ouverture, ses propositions fiscales, la hausse du salaire minimum ou encore son plan de transition écologique n’ont pas pris.

Loin de l’image d’Epinal d’une droite populiste boostée par la crise sociale, le Québec dérive par beau temps – tranquillement – vers un conservatisme pur et dur, où le migrant prétendument attiré par les aides sociales viendrait menacer la place du français et vider les poches du contribuable. Un tableau particulièrement populaire dans les banlieues aisées mais qui se répand petit à petit dans le reste de la population.

Plus qu’une adhésion des classes populaires aux valeurs d’exclusion, il faut y voir la difficulté de la gauche à porter son alternative de solidarité auprès du plus grand nombre. Au Québec comme ailleurs, il devient urgent d’en identifier la cause.

Opinions International Benito Perez Québec

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