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Netanyahou, la victoire ou la prison

AU PIED DU MUR

Dans moins d’un mois, les Israélien·nes retournent aux urnes, pour la cinquième fois en moins de quatre ans. L’enjeu est simple: le retour, ou non, de Benyamin Netanyahou et son gang aux affaires.

Le gouvernement actuel s’est constitué sur un programme élémentaire: empêcher le protagoniste inculpé dans plusieurs affaires de corruption aggravée de revenir à la tête du gouvernement. C’est autour de cet objectif des plus limités que se sont regroupées des forces politiques allant de l’extrême droite au centre-gauche (le Meretz). Face à ce bloc, s’est fédérée autour de Netanyahou tout le reste de la droite, y compris le parti néofasciste Puissance juive (Otsma Yehudit, ex-Ligue de défense juive du rabbin Meir Kahane) dirigé par Itamar Ben-Gvir. A ce personnage peu recommandable, Netanyahou aurait promis un ministère important, peut-être celui de la Sécurité intérieure.

L’ancien premier ministre n’a qu’un seul objectif: éviter la peine de prison qui lui pend au nez. S’il obtient la majorité absolue, il va entreprendre une véritable révolution institutionnelle, en particulier en ce qui concerne le judiciaire, et plus spécifiquement les prérogatives de la Cour suprême, qui pourtant a connu sous le long règne de Netanyahou un tournant conservateur notoire, à l’image du virage pris par la Cour suprême étasunienne sous Tramp.

Pour Netanyahou, ces élections sont un quitte ou double: soit il gagne et peut entreprendre une réforme profonde de l’ensemble du système politique, ce qui lui permettrait d’échapper à la prison, soit il perd et se retrouvera tôt ou tard derrière les barreaux. Pour lui qui a été premier ministre pendant treize ans, pour sa famille proche et pour ses nombreux supporters qui le considèrent comme un demi-dieu, cette seconde option est tout simplement inimaginable. Au cas où le bloc Netanyahou perdrait ces élections, les risques d’émeutes et de déstabilisation de l’Etat sont réels. Les frustrations des couches populaires face aux inégalités sociales qui ont grandi durant les deux dernières décennies sont exploitées jusqu’au bout par Netanyahou et ses communicants.

L’architecte de la contre-réforme néolibérale – d’abord comme ministre des Finances puis comme premier ministre – qui a fait du bling-bling et de la vie luxueuse en compagnie d’amis milliardaires son image de marque mène à présent campagne sur les inégalités sociales! En politique, le cynisme n’a pas de limite. Mais vu l’état déplorable de la gauche, la stratégie de Netanyahou peut s’avérer gagnante, et la famille «royale» se retrouver à nouveau dans la résidence de la rue Balfour à Jérusalem. Si, par contre, le bloc Netanyahou n’obtient pas les 61 deputé·es nécessaires à la formation d’un gouvernement, il faudra s’attendre à un scénario à la Trump après sa défaite électorale. A cette différence près que l’Etat d’Israël n’a pas de tradition démocratique solide comme sa grande sœur étasunienne. L’option chaos sera alors la plus probable.

Michel Warschawski est militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem).

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lundi 8 janvier 2018

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