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Financer l’austérité

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L’orthodoxie budgétaire semble lointaine pour les Etats occidentaux, en recherche de liquidités. Le schwarze Null, qui corsetait les finances publiques sous l’ère Angela Merkel, semble bel et bien enterré en Allemagne; le «quoi qu’il en coûte» semble profondément enraciné en France, bien que le gouvernement s’en défende; en Grande-Bretagne, c’est l’annonce d’une baisse d’impôt massive sur les hauts revenus, non compensée par d’autres recettes, qui soulève les inquiétudes.

Les yeux sont tournés sur l’Italie, qu’il devient difficile d’accuser de mauvaise gestion. Ces gouvernements s’abaisseront-ils à faire appel aux organisations internationales comme le Fonds monétaire international (FMI) pour financer leurs politiques publiques déficitaires?

Si le recours au FMI ne semble pour l’instant pas envisagé, c’est qu’il y a de bonnes raisons. L’histoire récente l’a souligné: la Grèce, récipiendaire de prêts importants en 2010, 2012 et 2015, a été contrainte à des politiques d’austérité violentes ainsi qu’à une perte de souveraineté sidérante.

On se souvient de la dévaluation de la livre sterling en Grande-Bretagne en 1967 et 1976, et de ses conséquences. C’est l’histoire longue des institutions internationales que sont le FMI et la Banque mondiale, ainsi que celles qui les précèdent, qui constitue le livre de Jamie Martin The Meddlers  1>Martin, Jamie, The Meddlers. Sovereignty, Empire and the Birth of Global Economic Governance, Cambridge et Londres, Harvard University Press, 2022.– que l’on peut traduire par Les intervenants.

Jamie Martin étudie la question de la souveraineté nationale, et son abandon lorsque les Etats financent leurs activités par le biais de ces institutions internationales.

Sa thèse est limpide: malgré la rhétorique d’égalité entre Etats au sein des organisations internationales, et malgré le principe de non-intervention censé régir les relations internationales, le FMI comme la Banque mondiale perpétuent un rapport de domination hérité de l’époque coloniale et s’arrogent le droit d’intervenir profondément dans les affaires intérieures des Etats récipiendaires en contrôlant leurs politiques budgétaires et fiscales.

Pourquoi des Etats souverains cèdent-ils ainsi volontairement une partie non négligeable de leur autonomie? Cette question, qui nécessiterait une analyse plus fine des moyens dont dispose un gouvernement pour financer ses opérations, nous entraîne au sein des rapports de force internes.

L’austérité exigée par le FMI, par exemple, peut correspondre au projet d’une élite, consciente de l’impopularité de telles politiques au sein de la population: en recourant aux prêts internationaux, il devient dès lors possible d’exporter la responsabilité des désastres sociaux, et avec elle le mécontentement populaire, sur des créanciers étrangers, lointains et impersonnels.

L’enseignement de The Meddlers est qu’une réforme profonde des institutions internationales en question – en particulier du FMI – est requise. Un changement d’approche est nécessaire afin qu’elles regagnent en légitimité et ne soient plus considérées comme les outils de domination des Etats de l’Europe et de l’Amérique du Nord sur le reste du globe.

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Séveric Yersin est historien.

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lundi 8 janvier 2018

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