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Un «assaut alarmant» contre les droits humains

Les autorités israéliennes multiplient les agressions contre les défenseurs des droits humains. Omar Shakir, de Human Rights Watch (HRW), évoque des descentes effectuées à la mi-août dans les bureaux d’ONG palestiniennes ainsi que la détention d’un chercheur d’une organisation israélienne.
Israël 

Il y a trois ans, alors que le gouvernement israélien se préparait à m’expulser de ce pays pour des raisons liées à mes activités de plaidoyer en faveur des droits humains, j’ai écrit a ce sujet un article qui a été publié dans The Forward; j’y expliquais que si mon expulsion pouvait se dérouler sans la moindre sanction de la part de la communauté internationale, cela risquait d’être perçu par les autorités israéliennes comme un feu vert pour «continuer à restreindre ou même interdire le travail des activistes israéliens et palestiniens».

Les autorités israéliennes m’ont expulsé en novembre 2019. Elles n’ont subi aucune conséquence significative. Et maintenant, elles mènent une attaque sans précédent contre les défenseurs des droits humains, de manière particulièrement nuisible aux Palestiniens.

Le 18 août, les forces de sécurité israéliennes ont effectué des descentes dans les bureaux de sept importantes organisations de la société civile palestinienne, saisissant des documents, des imprimantes et des ordinateurs, et soudant les portes; les autorités ont émis des ordonnances exigeant la fermeture de plusieurs ONG. Cette opération fait suite à la décision du gouvernement israélien l’année dernière d’interdire de facto ces groupes, en les désigner comme des organisations «terroristes» selon la loi antiterroriste israélienne, et comme des «associations illégales» selon la loi militaire qui s’applique en Cisjordanie occupée. Le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a confirmé la plupart de ces désignations le 17 août, bien que plusieurs groupes continuent de les contester, notamment la désignation d’«organisation terroriste».

Lors d’un autre incident, dans la soirée du 6 août, les autorités israéliennes ont arrêté Nasser Nawaja, chercheur de l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem. Il a été emmené de chez lui à Susiya, un village palestinien de Cisjordanie occupée qu’Israël a rasé à plusieurs reprises. Les autorités israéliennes ont menotté, bandé les yeux et détenu Nawaja au secret pendant plus de douze heures, selon B’Tselem. Des officiers israéliens l’ont finalement interrogé sur son travail, l’accusant de «causer les troubles dans la région» et l’enjoignant d’y mettre fin, avant de le relâcher.

Ces mesures visent à entraver la surveillance des droits humains, et à punir ceux qui critiquent l’apartheid israélien et la persécution de millions de Palestiniens. Une grande partie de la communauté internationale, y compris de nombreux Etats européens, a rejeté les accusations outrancières portées par Israël contre ces organisations palestiniennes.

Mais des déclarations timides n’arrêteront pas la répression israélienne. Les Etats étrangers devraient appeler clairement le gouvernement israélien à revenir sur ses désignations des ONG palestiniennes, et à leur permettre de mener à bien leur travail vital sans entrave. Ces pays devraient indiquer clairement qu’ils imposeront des conséquences significatives au gouvernement israélien s’il ne prend pas ces mesures rectificatives.

Nous tirons donc la sonnette d’alarme. Nous sommes confrontés à la perspective réelle que des défenseurs des droits humains hautement respectés seront emprisonnés, et que leurs biens seront saisis. La communauté internationale doit agir avant qu’il ne soit trop tard. Le sort de la défense des droits humains en Israël et en Palestine pourrait bien être en jeu.

Omar Shakir est directeur de Human Rights Watch pour Israël et la Palestine, division MENA (Moyen‑Orient et Afrique du Nord), www.hrw.org/fr

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