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«Ben Gourion, reviens, ils sont devenus fous!»

Olivier Gurtner blâme le récent vote par le Parlement ­israélien d’une loi sur l’Etat-­nation qui privilégie clairement les ­citoyens juifs au détriment de la minorité arabe.
Israël 

David Ben Gourion doit se retourner dans sa tombe: le fondateur d’Israël – il y a septante ans – serait choqué des lois discriminatoires votées jeudi à la Knesset.1>Lire A. Jaccottet, «Israël, un Etat juif avant tout» et C. Koessler, éditorial, «Israël, la fuite en avant», Le Courrier du 20 juillet 2018. Il s’agit d’une gifle violente infligée à la minorité arabe du pays.

Une majorité du Parlement israélien, emmenée par le Premier ministre Netanyahou, a établi l’hébreu comme unique langue officielle et déclaré la colonisation en Cisjordanie comme «valeur nationale». Parmi les autres décisions, Israël est déclarée Etat-nation du peuple juif et Jérusalem «capitale entière et unie». Un coup de tonnerre pour les 17,5% d’Arabes qui habitent le pays, et une décision qui menace la démocratie.

La veille, c’est le premier ministre hongrois Viktor Orbán qui était reçu à Yad Vashem, le mémorial de la Shoah. L’élu hongrois est un admirateur de l’amiral Horthy, régent controversé de la Hongrie qui avait collaboré étroitement avec Hitler avant de se raviser. Un nouvel ami politique de Netanyahou, si bien que le quotidien Haaretz évoque une «bromance»2>Bromance: amitié forte entre deux hommes, avec un niveau émotionnel élevé et des démonstrations d’intimité fortes, sans composante sexuelle (wikipedia).

Ces décisions renforcent un climat de ségrégation: durant Shabbat, aucun transport public ne roule à Jérusalem. Prendre le bus le samedi pour aller à l’aéroport de Tel-Aviv n’est plus possible. Au check-point pour Bethléem, les Arabes doivent descendre du bus, montrer patte blanche aux militaires, alors que les autres passagers restent dedans. Une ambiance ségrégationniste voulue par les ultra-orthodoxes qui étendent toujours plus leur influence sur la société israélienne.

Ce n’était pourtant pas la volonté des pères fondateurs d’Israël, au moment de créer l’Etat en 1948: égalité des chances, non-discrimination, laïcité, droit de vote des femmes dès l’origine. Telles étaient les ambitions de la déclaration, qui donnait notamment pour mission au nouvel Etat d’assurer «la plus complète égalité sociale et politique à tous ses habitants, sans distinction de religion, d’origine ou de sexe». On s’en éloigne de plus en plus.

La réalité d’aujourd’hui est dangereuse. Lois discriminatoires, alliance avec les pires antisémites; Benjamin Netanyahou et ses alliés sont en train de tuer les idéaux d’Israël. Aux héritiers de Ben Gourion de reprendre très vite le combat. L’urgence devient vitale.

Notes[+]

Conseiller municipal socialiste, Ville de Genève, de retour d’Israël.

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