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Impensable!

Jean-Jacques Maillard est interloqué par les résultats d’un sondage qui concerne les prochaines votations.
Réforme

Le résultat du récent sondage SSR au sujet de la réforme AVS 21 m’a laissé sans voix. Tout simplement impensable! Ainsi, après plus de trente ans de dénigrement et d’attaques mensongères contre notre principal pilier de prévoyance sociale, la droite réussirait-elle son coup grâce à l’aveuglement d’une gauche suisse allemande en perte de repères? Je n’ose pas y croire.

Et cette droite, qui depuis 30 ans répète qu’il faut sauver une AVS qui court à sa perte, mais qui n’a pour seul programme que le relèvement de l’âge de la retraite, que fait-elle? Rien, tout simplement rien depuis près de cinquante ans. En effet, la dernière augmentation de la cotisation AVS date du… 1er juillet 1975. C’est volontairement que je passe sous silence l’augmentation de 0,3%, intervenue le 1er janvier 2020. A mon sens, celle-ci ne servait qu’à faire passer un cadeau fiscal aux grandes entreprises dans le cadre de la RFFA.

Nos anciens dirigeants étaient-ils plus ouverts, avaient-ils une meilleure fibre sociale ou la gauche était-elle plus incisive? Toujours est-il que, du 1er 1969 au 1er juillet 1975, le taux des cotisations AVS est passé de 4 à 8.4%. Et l’AVS a tenu le coup. Ses finances se sont améliorées et ses prestations aussi. Tout le monde en a profité. Et ceci grâce à un système éminemment social qui veut que chacun paie en fonction de ses revenus, mais que tout le monde touche la même chose. Un système de redistribution exemplaire qui se porte bien.

Depuis lors, non seulement la droite au pouvoir n’a rien fait pour continuer à améliorer le financement de l’AVS, mais a trouvé le moyen d’en dénaturer le système trop social à son goût. En novembre1993, le peuple devait voter au sujet de l’introduction de la TVA qui est un impôt à la consommation, le même impôt pour tous. Comme il paraissait difficile de faire passer cet impôt antisocial, le Conseil fédéral y a adjoint un arrêté, lié au vote sur la TVA, prévoyant le relèvement d’un point de TVA en faveur du financement de l’AVS. Cette manière de faire avaler la pilule a bien entendu contribué au succès de la votation. La TVA est entrée en force en janvier 1995. Le pourcent au bénéfice de l’AVS, lui, est intervenu le 1er janvier 1999. 1

Il semble bien que la gauche n’ait pas vu entrer le loup dans la bergerie. En effet, d’un coup, le financement de l’AVS devenait possible par un autre moyen que la cotisation en fonction du revenu. Vous voyez la différence? Jusqu’en 1999, l’AVS était avant tout alimentée par des cotisations proportionnelles aux revenus. A partir de ce moment-là, le côté social de la cotisation peut disparaître et tout le monde finance l’AVS au même tarif par l’impôt qu’est la TVA. D’ailleurs, c’est comme ça aussi dans le projet AVS 21. Pas question d’une augmentation des cotisations. On a pourtant pu constater depuis 2020 qu’une augmentation de seulement 0,3% produisait aujourd’hui un montant non négligeable de 1,2 milliards par année.

Pour le moment, avec son programme idéologique «gagner plus et payer moins», il semble bien que la droite réussisse son coup: payer moins pour faire payer plus à ceux qui sont les plus nombreux et les moins bien lotis. Mais les victimes seront avant tout les femmes dont les revenus sont déjà moindres et qui vont payer la réforme par une année de travail en plus, sous le prétexte de l’égalité hommes-femmes…

Si les résultats du sondage devaient se confirmer dans les urnes, c’est qu’il y a vraiment quelque chose de pourri dans notre société.

Jean-Jacques Maillard, Genève

1 Par un tour de passe-passe, la Confédération a viré dans ses caisses pendant 20 ans 17% des revenus de ce 1% dédié entièrement à l’AVS et ceci pour payer sa propre contribution à l’AVS. Environ Fr. 500’000.- par année. On a appelé ce revenu le «pourcent démographique». Ce ½ milliard annuel a été restitué à l’AVS le 1er janvier 2020 pour faire passer la RFFA.

 

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