Édito

La politique extérieure Nestlé?

La politique extérieure Nestlé?
Le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), représentant la Suisse dans cette affaire, a docilement suivi la poule aux œufs d’or de Vevey, forte de ses 90 milliards de francs de chiffre d’affaires. KEYSTONE
Alimentation

Essayer d’empêcher des pays d’alerter leur population contre les périls pour la santé des aliments ultra-transformés. Des dangers qui causent des millions de morts. C’est ce qu’a fait le gouvernement suisse ces dernières années auprès du Chili, du Pérou, de l’Equateur et du Mexique, des Etats qui ont imposé des étiquettes d’avertissement sur les produits industriels riches en sucres, en sel et en matières grasses nocives. Nestlé n’en voulait pas, craignant pour ses bénéfices sur des marchés se chiffrant en milliards de francs suisses. Le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), représentant la Suisse dans cette affaire, a docilement suivi la poule aux œufs d’or de Vevey, forte de ses 90 milliards de francs de chiffre d’affaires, et a mené un lobbying auprès de certains de ces gouvernements latino-américains et à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a détaillé l’ONG Public Eye à la suite d’une enquête de Temps présent.

Cette affaire montre une nouvelle fois que lorsqu’il s’agit des intérêts des multinationales domiciliées en Suisse, en particulier Nestlé, le Conseil fédéral ne s’embarrasse pas de sa Stratégie de politique étrangère. Tant en 2016 qu’en 2020, le gouvernement s’était engagé à faire de la «durabilité» l’un de ses axes prioritaires hors du pays et de promouvoir les 17 objectifs de l’Agenda 2020 des Nations unies, dont «la bonne santé». On pourrait s’attendre en conséquence à ce que nos autorités déploient une politique équilibrée, qui prenne en compte au moins autant le bien-être des populations à l’étranger que les profits à court terme des firmes payant des impôts en Suisse. Dans le cas présent, le Seco a été laissé seul maître à bord de la politique extérieure, alors que sa mission première est de défendre les intérêts économiques nationaux. Cela semble curieusement naturel aux yeux de nos dirigeants. Il appartient pourtant au Département fédéral des affaires étrangères, de concert avec le Conseil fédéral, de déterminer la politique à suivre, et non à une officine semi-coporatiste.

Plusieurs coalitions d’ONG, notamment celles de l’entraide, réclament depuis des décennies une cohérence de la politique étrangère suisse. Elles veulent que le pays cesse de prendre plus de la main droite (politique économique prédatrice) que ce qu’il donne de la main gauche (coopération au développement, aide humanitaire, etc.). Evasion fiscale des potentats des pays pauvres dans les banques suisses, multinationales helvétiques «irresponsables» violant les droits humains dans le monde, défense à tout prix des brevets sur les médicaments aux dépens de la santé, etc. Les scandales s’accumulent et la politique fédérale ne change pas véritablement. Cette politique économique là, qui ne se contente d’ailleurs pas du «laissez faire», est pourtant criminelle.

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