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Cure de jouvence de l’OTAN

Une vieille institution de la guerre froide revient sur le devant de la scène: l’Organisation du traité de l’Atlantique nord. Dans le dernier numéro de Manière de voir, les textes fondateurs et doctrines stratégiques de l’OTAN sont passés au crible de la pratique: son élargissement à l’est, ses guerres en ex-Yougoslavie, Afghanistan, Libye. Cet instrument clé de l’influence américaine dans le monde paraît renaître toujours de ses cendres. Pour le meilleur?
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Le 17 mai dernier, la Finlande, par un vote du parlement, a tourné le dos à plusieurs décennies de neutralité. Son adhésion à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) pourrait intervenir au cours des prochains mois, en même temps que celle de la Suède. La guerre lancée par Moscou contre Kiev était censée prévenir le basculement de l’Ukraine dans l’organisation militaire occidentale; elle aura pour résultat de lui offrir deux nouvelles adhésions sur un plateau. A soixante-dix ans passés, l’Alliance atlantique prend un coup de jeune, et le fiasco de sa guerre de vingt ans en Afghanistan semble oublié…

Pour comprendre le conflit actuel, mieux vaut garder en tête le temps long de l’histoire. Cette livraison de Manière de voir1>«L’OTAN. Jusqu’où? Jusqu’à quand?», Manière de voir no 183, juin-juillet 2022, bimestriel édité par Le Monde diplomatique, www.monde-diplomatique.fr y contribue en revenant sur les «vies» de cette alliance majeure qui demeure mal connue du grand public. Textes fondateurs, doctrines stratégiques et règles internes y sont passés au crible de la pratique.

Le premier acte s’ouvre avec la guerre froide. La «peur du rouge» conduit le camp occidental, dirigé par les Etats-Unis, à sceller une alliance stratégique en 1949 et, deux ans plus tard, à créer une organisation militaire commune. Dépourvue d’armée propre, celle-ci intègre les forces alliées sous le commandement américain. Son traité fondateur se réclame des valeurs démocratiques et libérales. Et pourtant: soutien au coup d’Etat des colonels grecs, intégration de la dictature portugaise d’António de Oliveira Salazar… Contenir l’influence de Moscou justifie bien des aménagements. A l’époque, un puissant mouvement pacifiste en Europe s’oppose à elle. Que reste-t-il des manifestations contre le déploiement des euromissiles américains (chapitre 1)?

La disparition de l’URSS et du pacte de Varsovie aurait dû justifier l’autodissolution de son pendant atlantiste. Au contraire, l’OTAN s’empresse de trouver une nouvelle raison d’être. Le chapitre 2 du numéro passe en revue les étapes de cette seconde vie: d’abord, l’organisation se rêve bras armé des Nations unies en Bosnie (1995), puis se passe de ses mandats au Kosovo (1999), avant d’invoquer le fameux article 5 du traité sur la défense collective pour envahir l’Afghanistan au nom de la «lutte contre le terrorisme». Ce sera ensuite la Libye, cette fois au nom de l’ingérence humanitaire. Partout où l’OTAN passe, le chaos s’installe, plus ou moins «géré» par de multiples missions de «sécurisation» et de formation…

L’Alliance s’est ainsi transformée en gendarme du monde, au point d’inquiéter une Russie qui attendait beaucoup de l’Europe et de l’Occident. S’il est impossible de rembobiner l’histoire, se rappeler des années charnières 1990-1991 demeure indispensable, comme y invite le chapitre 3 de cette livraison. Les dirigeants ouest et est-européens esquissent alors une nouvelle architecture de sécurité post-guerre froide, incluant la Russie. Ils sont mis en échec par la détermination américaine à étendre son influence sur le Vieux Continent. Les stratèges de l’époque, y compris américains, prédisaient ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine.

Faut-il poursuivre sur cette lancée? Certaines voix, minoritaires, estiment que la sortie de la France de l’OTAN lui permettrait d’incarner un «autre Occident». Mais le slogan qui a la meilleure presse est celui d’«autonomie stratégique» européenne. Plusieurs articles s’emploient à en dégonfler la portée (chapitre 4).

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