Schengen pris en otage
La démission très récente du directeur de Frontex m’incite à prendre la plume à quelques jours de la votation fédérale à ce sujet. Ce départ devrait rassurer les opposants, car il permettra de recadrer celles et ceux qui sont responsables des quelques très malheureux manquements. Cela dit, et malgré le système de démocratie semi-directe propre à notre pays, les débats du Parlement sont parfois bien loin des préoccupations réelles du terrain. C’est ce qui s’est passé avec le référendum lancé contre Frontex. Un différend sur le nombre de réfugiés à accueillir a conduit certains élus du parti des Verts et du PS à brandir la menace d’une opposition à Frontex. En conséquence, l’accord de Schengen se retrouve maintenant pris en otage dans une problématique qui n’est pas la sienne.
Si le sentiment d’indignation face aux violences faites à des personnes en détresse est légitime, il faut cependant s’attaquer au cœur du problème. Sortir de Frontex n’aura aucune influence sur la politique migratoire ni de la Suisse, ni de l’Union européenne. La guerre en Ukraine qui sévit non loin d’ici montre d’ailleurs qu’il est possible d’accueillir davantage de réfugiés sans que Frontex n’y soit lié de quelque manière que ce soit. En effet, chaque pays décide souverainement de sa politique migratoire.
Non seulement refuser la contribution à Frontex entraînerait le retrait inéluctable de l’accord de Schengen, mais cela n’apporterait aucun changement à la situation des personnes migrantes et réfugiées sur le terrain. Amnesty International mentionne explicitement qu’«aucune des dispositions attaquées par voie référendaire ne concerne directement les conditions concrètes des personnes en quête de protection ou la défense des droits humains». Au contraire, en aggravant encore nos relations avec l’UE, la marge de manœuvre de la Suisse pour exercer une influence en faveur du respect des droits humains disparaîtrait.
Le comité référendaire contre Frontex ne fait cas ni des conséquences sur l’avenir de notre pays et de ses partenaires européens, ni de celles des personnes qu’il prétend défendre. Personnellement, tout en regrettant les déficits de cette institution, je voterai OUI le 15 mai au développement de l’acquis de Schengen.
Raymond Loretan,
ancien ambassadeur de Suisse, Genève